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sabelle Paré

En comparant le degré d’adhésion à certaines valeurs avant et après l’explosion dans le métro de Londres, le 7 juillet 2005, les chercheurs ont noté que le glissement de l’opinion publique était presque exclusivement le fait de citoyens d’ordinaire plus libéraux.
Photo: Sang Tan Associated Press En comparant le degré d’adhésion à certaines valeurs avant et après l’explosion dans le métro de Londres, le 7 juillet 2005, les chercheurs ont noté que le glissement de l’opinion publique était presque exclusivement le fait de citoyens d’ordinaire plus libéraux.

Dans la foulée d’attentats terroristes, les citoyens de gauche, plus favorables à l’égalité et affichant une attitude plus ouverte à l’égard des immigrants en général et des musulmans, sont en proportion plus nombreux que les autres à basculer vers des valeurs foncièrement conservatrices.

C’est du moins ce qu’avancent trois chercheurs de l’École de psychologie de l’Université de Kent et une de l’Université de Cambridge dans une étude publiée ce mois-ci dans Psychological Science, qui a mesuré l’impact d’attentats suicides et d’autres événements terroristes sur la polarisation de l’opinion publique et le revirement d’idéologies préexistantes.Pour jauger l’impact de la terreur, les chercheurs ont comparé les résultats de deux enquêtes nationales réalisées avant et après les attentats survenus dans le métro de Londres le 7 juillet 2005. Ces attentats, perpétrés par trois musulmans nés au Royaume-Uni et un Jamaïcain converti à l’islam se réclamant d’al-Qaïda, avaient fait 52 victimes et plus de 770 blessés.

Dans ces vastes enquêtes réalisées un mois avant et six semaines après les attaques, des citoyens de diverses allégeances politiques ont été appelés à dire leur degré d’adhésion à l’égard de diverses valeurs morales, dont la loyauté à la nation, le respect de l’autorité, l’égalité entre les citoyens et la justice sociale.Questionnés sur leur avis à l’égard de différentes politiques d’accueil, les répondants, blancs et non-musulmans à 95 %, devaient également révéler leur attitude à l’égard des immigrants et des musulmans.

 La gauche bascule vers la droite Sans surprise, au lendemain de ces attentats, on a recensé un bond des attitudes négatives à l’égard des immigrants et des musulmans. En comparant le degré d’adhésion à certaines valeurs avant et après l’explosion dans le métro de Londres, les chercheurs ont cependant noté que le glissement de l’opinion publique était presque exclusivement le fait de citoyens d’ordinaire plus libéraux. L’attitude générale des citoyens conservateurs à l’égard de différentes valeurs morales restait pour sa part inchangée.

Après les explosions, les citoyens aux valeurs libérales attribuaient moins d’importance qu’avant à l’égalité et à la justice, et plus à la loyauté envers la nation britannique, un revirement essentiellement lié à leur changement d’attitude à l’égard des musulmans et des immigrants.Bref, ces résultats montrent que les valeurs morales de plusieurs personnes ne sont pas constantes et peuvent basculer de façon radicale en fonction du contexte social, notamment lorsque plane une menace.

« Le défi important après des attentats dramatiques est de savoir comment jauger les perceptions et l’attitude du public pour prévenir, par exemple, une recrudescence d’impacts négatifs, soutient Dominic Abrams, une des coauteures de l’étude. Pour les gens qui travaillent à prévenir les dommages, il est important de comprendre que de tels événements terroristes ont des impacts différents sur l’attitude des gens, notamment en fonction de leurs allégeances morales et politiques préalables », dit-elle.À la lumière de ces résultats, les auteures affirment qu’en situation d’attaque, ces données démontrent clairement que les personnes aux valeurs libérales ont tendance à se comporter davantage comme des citoyens d’allégeance conservatrice, à accorder plus d’importance à la patrie, à leur propre groupe identitaire et à afficher une certaine intolérance à l’égard d’autres groupes ethniques ou religieux.

Les auteures affirment que cette théorie peut aussi expliquer le changement d’attitude observé chez les députés britanniques au lendemain des attentats de novembre à Paris. Après un refus clair en 2013, ces derniers ont donné leur accord en novembre à des missions de bombardements en Syrie. Parmi tous les députés, ce sont les travaillistes, situés à la gauche du spectre politique, qui ont fait montre du plus grand changement de point de vue depuis 2013.