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Laurent de Boissieu

Je l’avoue, j’étais initialement opposé à l’inscription dans la Constitution de la déchéance de la nationalité française, pensant qu’une loi ordinaire suffisait pour que cette sanction puisse désormais concerner tous les Français et plus les seuls Français naturalisés depuis moins de 15 ans (cas d’une condamnation pour terrorisme).

D’autant plus que la formulation initiale était inacceptable en ce qu’elle ne visait que les Français multinationaux (alors que seule une différence de situation au regard du droit international, extérieur au droit français, peut justifier une différence de traitement):

Article 3-1. Un Français qui a également une autre nationalité peut, dans les conditions fixées par la loi, être déchu de la nationalité française lorsqu’il est définitivement condamné pour un acte qualifié de crime ou de délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme.

(c’est à cause de cette formulation initiale que le débat sur la déchéance de la nationalité s’est déporté sur celui de la multinationalité; bref, François Hollande a lui-même biaisé et vicié le débat!)

Or, la solution retenue par le gouvernement me semble finalement pire qu’une loi ordinaire (qui était dans mon esprit forcément sur le modèle de l’actuel article 25 du Code civil):

Article 34. La loi fixe les règles concernant la nationalité, y compris les conditions dans lesquelles une personne née française qui détient une autre nationalité peut être déchue de la nationalité française lorsqu’elle est condamnée pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la Nation;

J’émets en effet trois critiques à cette formulation:

– la constitutionnalisation de la notion de « personne née française », alors que Français nés Français et Français par acquisition (naturalisation, mariage) sont dans la même situation au regard du droit de la nationalité et devraient donc aussi l’être dans la Constitution puisque la République française « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine (…) ».

– la référence aux multinationaux (la sanction doit s’adresser sans distinction à tous les Français: que le droit international en limite de fait sa portée ne doit intervenir qu’après, par exception)

– le renvoi trop imprécis à une loi ordinaire (modifiable au gré des majorités)

En conclusion, voici selon moi la formulation qui permettrait de conserver et élargir (afin de supprimer l’actuelle inégalité) la déchéance de nationalité sans rompre l’égalité entre les citoyens devant la loi:

Article 3-1. Toute personne, née française ou qui a acquis la qualité de Français, peut, dans les conditions fixées par la loi, être déchu de la nationalité française lorsqu’il est définitivement condamné pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride.

 

 

Rappel du droit actuel (article 25 du Code civil) pour les ignorants:

L’individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d’État, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride:
1. S’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme;
2. S’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit prévu et réprimé par le chapitre II du titre III du livre IV du code pénal;
3. S’il est condamné pour s’être soustrait aux obligations résultant pour lui du code du service national;
4. S’il s’est livré au profit d’un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France.

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