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Marie-Anne Georges 
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On le savait condamné depuis la parution de son bouleversant “Vivre !”, paru en mars 2015. Luttant depuis 2013 contre un cancer de la gorge et de la langue, Michel Delpech pensait être guéri. D’emblée, dans le prologue de cette confession, il écrit qu’il n’a pas “voulu comprendre que rémission ne veut pas dire guérison”. A la mi-juin 2015, c’est par le biais de son ami Michel Drucker que l’on apprenait que le chanteur français “s’éteignait doucement”. Il a définitivement fermé les yeux ce samedi à l’âge de 69 ans. C’est son épouse qui a annoncé la triste nouvelle. « Michel est mort ce soir à 21H30 », a déclaré Geneviève Delpech. « Cela faisait trois ans qu’il se battait contre un cancer », a-t-elle ajouté.

Michel Delpech restera à jamais l’auteur, pour les uns de “Chez Laurette”, pour les autres de “Quand j’étais chanteur” et pour tous de “Pour un flirt”. Des titres qui connaissent un succès retentissant dans les années 60. Aux côtés des Richard Anthony. et Claude François, il fait partie du club des plus gros vendeurs de disques. Dans un entretien accordé à “La Libre” en 2007, Michel Delpech se souvenait qu’“à ses débuts, on faisait des 45 tours de deux titres tous les six mois. On ne cherchait pas à construire une œuvre : on faisait des chansons qui devaient passer à la radio et atteindre les gens.” 

(Michel Delpech, chez lui à Paris, le 31 mai 1966)

 

“Les divorcés”, “Le Loir-et-Cher”, “Le chasseur” sont autant de chroniques de la France des années 70. Des titres réclamés par son fidèle public à chacune de ses tournées. “Mes anciennes chansons ont eu la chance de traverser les générations, les époques sans être caduques” nous confiait-il en décembre 2007, alors qu’on le questionnait sur le fait de savoir s’il n’avait pas, parfois, l’impression de traîner ses anciens titres, alors qu’il en avait écrit pas mal dans l’intervalle.

Le succès, Michel Delpech le rencontre avec “Chez Laurette”, une chanson qu’il a écrite et qu’il interprète dans la comédie musicale “Copains-Clopants”. Nous sommes en 1965 et cette évocation nostalgique de la vie adolescente touche le cœur des gens. Et surtout des filles. Décolleté, chaîne en or, pantalon pattes d’éph: son look mais aussi sa voix de velours les font craquer. Tout lui réussit. Il se retrouve en haut de l’affiche aux côtés des grands de la variété : Richard Anthony, Claude François, Michel Sardou comme Michel Fugain. “Wight is wight” (1969), “Que Marianne était jolie” (1973) ou “Le Loir-et-Cher” (1977) complètent la liste de ses succès. En 1975, il s’imagine à l’âge de “soixante-treize ans”, perclus de rhumatismes, égrenant ses souvenirs de scène. Il se projette en fait en 2019 : “J’ai mon rhumatisme/Qui devient gênant/Ma pauvre Cécile/J’ai 73 ans” (“Quand j’étais chanteur”). Il n’aura pas tenu jusque-là.

(Michel Delpech assis à côté de Demis Roussos, sur un plateau à Paris, le 19 mars 1974)

 

Une sortie de dépression grâce… à l’amour

En 1979, Delpech sort “5000 kilomètres”, album de reprises contenant notamment “Trente manières de quitter une fille” (Paul Simon). En ce qui le concerne, c’est sa femme qui le largue, l’abandonnant avec ses deux enfants, pour suivre son amant en Polynésie. Alors que, dans sa célèbre chanson “Les divorcés”, il évoque une séparation paisible, son propre divorce ne se passe pas bien. Gagnant bien sa vie, Michel Delpech commence à mener une vie de bâton de chaise. Tout y passe: alcool, drogue douce comme dure. Petit à petit, il s’enfonce dans une dépression dont il sortira grâce… à l’amour. Il rencontre en effet Geneviève Garnier-Fabre qui va l’aider à sortir la tête hors de l’eau et retrouver les chemins des tournées. Ses années difficiles, Delpech n’hésitera pas à aller en témoigner à la télévision. D’abord dans “La marche du siècle” chez Jean-Marie Cavada en 1991 puis, deux ans plus tard, chez Mireille Dumas dans “Bas les masques”. Il couchera même par écrit cette traversée du désert et, surtout, la renaissance dans un ouvrage intitulé “La jeunesse passe trop lentement” (Plon, 2011).

Dès 1985, il publie régulièrement de nouveaux albums – “Oubliez tout ce que je vous ai dit”, “Les voix du Brésil” et “Loin d’ici” – qui ne connaissent pas le même engouement que ceux des années 70. Il faut attendre 1997et son album éponyme pour que Delpech refasse réellement parler de lui. Le disque reçoit un bon accueil autant de la part de la critique que de celle du public, sans doute grâce à une alliance réussie entre chanson traditionnelle et son discrètement pop. Jean-Louis Murat en signe deux titres (“Cartier-Bresson”, “C’est à Paris”) et Pascal Obispo lui écrit “Sans remords ni regret”.

(Le 24 juillet 1985)

Quoi qu’il en soit, le public reste accroché à ses tubes – en 1989 quand sort une compilation de ses plus grands succès, celle-ci s’écoule à 800 .000 exemplaires ! C’est donc dans la logique des choses qu’après un mitigé “Comme vous” (2004), Michel Delpech succombe à l’exercice des duos, “Michel Delpech &…” Il y convie la jeune génération (Cali, Bénabar, Clarika), mais aussi les millésimés (Souchon, Cabrel ou Jonasz).

Son dernier album original “Sexa”, date de 2009. Le titre fait référence à son âge (63 ans) mais aussi aux sixties, clin d’œil à une période bénie, il va sans dire. Qui rapporte encore et toujours – voire à ce propos le succès de “Age tendre et tête de bois”, tournée à laquelle il participe en 2011 et 2012 parmi une quinzaine d’artistes très populaires issus des années 60 et 70. Un spectacle de 4 heures où chacun fait une courte apparition.

(Lors de l’enregistrement de l’émission « Vivement dimanche » diffusée le 27 février 2011)

 

Ce fichu cancer, qui l’empêche de chanter, ne le prive pas d’écrire. Dans “J’ai osé Dieu” (2013), il fait son coming out religieux. Tout récemment, il s’exclamait “Vivre!”. Delpech a aussi tourné, en 2012, sous la direction de Grégory Magne et Stéphane Viard. “L’air de rien”, est un film de où il joue son propre rôle, c’est-à-dire, celui d’un chanteur de variété vedette dans les années 70.

A l’automne 2014, Michel Delpech chante et apparaît dans le clip de “La fin de mon chemin”, tiré du conte musical “Dolly Bibble”. “Voici la fin de mon chemin/Sur terre/Je suis à toi/Accueille-moi/Mon père”. Une contribution rétrospectivement très émouvante quand on sait ce que Delpech était en train de vivre.

Les 5 chansons les plus populaires de Michel Delpech:

« Pour un flirt »

« Quand j’étais chanteur »

« Les divorcés »

« Le chasseur »

« Chez Laurette »

http://www.lalibre.be/culture/musique/