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On ne choisit pas sa famille mais on choisit ses amis. Le jeu des relations internationales nous en donne chaque jour la preuve.
Georges MichelColonel à la retraite

Comme on dit, on ne choisit pas sa famille mais on choisit ses amis. Le jeu des relations internationales nous en donne chaque jour la preuve.

Voyez la Russie, cette grande cousine éloignée : elle a des façons qui ne se font pas. Il en est ainsi convenu dans les instances convenables. Et on sait le lui faire savoir à l’occasion. Ainsi, cette héritière de l’URSS, elle-même héritière de la Russie, s’est vue snobée en 2015 par des petits-bourgeois européens lors des cérémonies commémoratives de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Et les 25 millions de morts ? Un détail, peut-être ? Cette Russie, si lointaine et en même temps si proche, celle que de Gaulle imaginait dans une Europe des nations de l’Atlantique à l’Oural, cette Russie qui constitue en grande partie le « poumon oriental » de l’Europe, pour reprendre l’expression du pape Jean-Paul II, semble ainsi être reléguée au rang de cousine turbulente et plutôt infréquentable dans la grande famille européenne, si à cheval sur les bonnes manières socio-démocrates.

Si certains membres de notre famille peuvent nous faire honte, heureusement que nous pouvons choisir nos amis pour agrémenter nos dîners en ville. Prenez, par exemple, la Turquie. Une amie qui ne nous veut que du bien. Alors que le processus d’intégration dans l’Union européenne était au point mort depuis 2005, il a été relancé il y a tout juste un mois, le 29 novembre 2015,  avec l’ouverture d’un quinzième chapitre sur les 35 prévus. Au passage, un petit cadeau de 3 milliards d’euros (« somme initiale », pour reprendre les déclarations officielles) a été fait à notre ami Erdoğan qui menaçait de laisser se déverser en Europe le flux de migrants. Pour nous remercier et en guise d’étrennes, peut-être, le président de la République de Turquie vient d’annoncer qu’il souhaitait étendre ses prérogatives présidentielles. Mais attention, par souci d’efficacité. L’efficacité, cette valeur si occidentale. « Dans un système unitaire (comme la Turquie), un système présidentiel peut parfaitement exister. Il y a actuellement des exemples dans le monde et aussi des exemples dans l’Histoire. Vous en verrez l’exemple dans l’Allemagne d’Hitler. » Un bel hommage amical, en quelque sorte, à l’efficacité allemande et donc européenne.

Puisque nous en sommes à parler d’efficacité, restons sur ce thème et faisons un petit signe à nos amis du royaume des Saoud. Le Nouvel An de l’ère chrétienne est à peine entamé qu’on nous annonce 47 exécutions capitales ; pour « terrorisme », nous dit-on. Riyad, ce n’est pas Byzance et encore moins Paris : on ne passe pas des semaines à se déchirer en discutailleries, à couper les cheveux en quatre pour savoir si on va éventuellement déchoir de sa nationalité un terroriste une fois qu’il aura purgé sa peine et que les éducateurs sociaux auront échoué à essayer de le réinsérer dans la communauté du « mieux vivre ensemble ». Non, chez nos amis, les Saoud, on tranche dans le vif, si j’ose dire. Le travail à la chaîne appliqué à la charia. Pour rester dans les pages du dictionnaire des idées reçues : au fond, une synthèse de l’efficacité occidentale et de la cruauté orientale. « Tout le charme de l’Orient… En somme le Coran alternatif », pour reprendre les paroles d’Audiard.

Heureusement que l’on peut choisir ses amis ! Cela dit, de Gaulle, très « machiavélien », disait que les États n’ont pas d’amis. Ils n’ont que des intérêts…

Boulevard Voltaire – La liberté guide nos pas