Étiquettes

,

 © BELGAIMAGE

Mohammed ben Salmane Al Saoud

par Vincent Georis

Mohammed ben Salmane, héritier du trône d’Arabie saoudite, est le véritable maître du royaume sunnite. C’est lui qui est derrière l’exécution du dignitaire chiite cheikh Al-Nimr.

La barbe bien taillée, le regard noir et impénétrable, le vice-prince Mohammed ben Salmane Al Saoud est le nouvel homme fort d’Arabie saoudite. Fils du roi Salmane, ministre de la Défense et vice-Premier ministre, il s’est imposé en quelques mois comme le nouveau maître du royaume. Il dirige le cabinet royal et supervise la sécurité intérieure. Il préside aussi le Conseil des affaires économiques et de développement. Son père, âgé de 79 ans et malade, n’exerce que symboliquement le pouvoir dont il a hérité l’an dernier du défunt roi Abdallah.

Âgé de 35 ans, le vice-prince héritier est dépeint comme un homme « ambitieux et agressif ». L’exécution de 47 personnes le week-end dernier, fusillées ou décapitées, confirme cette réputation. Mohammed ben Salmane, à qui la lutte contre les djihadistes a été confiée, est derrière cette décision.

La présence du cheikh chiite Al-Nimr, une icône vénérée en Iran, parmi les suppliciés n’a peut-être rien d’un hasard.

Cette décision pourrait relever du calcul machiavélique. Et risqué. La réaction de l’Iran chiite, avec lequel l’Arabie saoudite vient de rompre ses relations, en dit long sur les dérapages potentiels.

Cette décision pourrait relever du calcul machiavélique. Et risqué. La réaction de l’Iran chiite, qui vient de rompre ses relations diplomatiques avec l’Arabie saoudite, en dit long sur les dérapages potentiels (lire en page 10).

La famille Al Saoud, sunnite, règne depuis le XVIIIe siècle sur l’Arabie. Elle est menacée par l’État islamique, qui a juré de reprendre les lieux saints, la Mecque et Médine, et de l’éjecter du trône.

L’influence de Daech ne cesse de croître dans les pays sunnites. La concurrence est forte, d’autant que leur islam, rigoriste et punitif d’inspiration salafiste, est le même.

Pour redorer son blason, l’Arabie saoudite souffle sur les braises du conflit de succession qui oppose sunnites et chiites depuis la mort du prophète Mahomet.

Frapper l’ennemi commun permet de souder les forces désunies.

 © EPA © EPA

Les exécutions massives ont eu lieu alors que des négociations avec les chiites sur la situation au Yémen ont échoué.

La réaction de Téhéran et la crise diplomatique ont provoqué l’effet recherché. Plusieurs États sunnites, dont le Soudan et le Bahreïn, ont resserré les rangs derrière Riyad.

Mohammed ben Salmane a consolidé sa position au sommet de la monarchie saoudienne en se posant en chantre de la lutte contre le djihadisme. Il s’est fait remarquer en prenant la tête d’une coalition de 34 pays musulmans, dont la lutte se focalise contre des rebelles chiites au Yémen qui sont liés à l’Iran.

L’Arabie saoudite semble, par contre, moins pressée de lutter directement en Syrie contre les troupes de Daech qui sont, elles, aux prises avec l’autre ennemi des Saoud, Bachar el-Assad… lui-même soutenu par l’Iran.

Le vice-prince héritier rallie à lui le monde sunnite, mais risque l’escalade. Il réveille le camp des « Faucons ». Mais il joue avec le feu. Et ce petit jeu de pouvoir, sur fond de schisme religieux, plaît de moins en moins à la communauté internationale. D’autant qu’il a pris ses dernières décisions sans se concerter avec son principal allié, Washington.

http://www.lecho.be/dossier/portraits