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Le 10 janvier 1929 naît un héros appelé à une célébrité planétaire : Tintin. On ne peut le dissocier de son chien fidèle, un fox-terrier répondant au doux nom de Milou.
Le « père » de Tintin et Milou est le dessinateur belge Georges Remi (1907-1983), plus connu sous son pseudonyme Hergé (d’après ses initiales RG).
Rédacteur en chef du Petit Vingtième, supplément jeunesse du journal catholique Le Vingtième Siècle, il n’a que 21 ans quand il publie sous forme de feuilleton les aventures de Tintin au pays des Soviets, mais il a déjà créé maints héros, y compris un petit Totor, destiné à un magazine de scouts.
D’emblée, Hergé met en scène un très jeune homme sans aspérités, confronté aux malheurs du monde. Le jeune reporter du Petit Vingtième est ainsi conduit, dans sa première aventure, à visiter l’URSS.
Hergé, qui travaille pour un magazine très engagé à droite et ne fait pas mystère de ses opinions anti-communistes, en profite pour dénoncer la dictature stalinienne et montrer l’envers du décor.
En dépit de quelques outrances, il s’avère plus clairvoyant que bien des Occidentaux illustres de son époque, comme le maire de Lyon Édouard Herriot qui voyagea en Ukraine pendant la grande famine de 1932-1933 et ne se rendit compte de rien.
Le succès vient très vite. Quand la Belgique est occupée par l’armée allemande en 1940, le dessinateur continue de travailler comme si de rien n’était. Il publie une bande dessinée quotidienne dans Le Soir de Bruxelles. Son public s’étoffe et avec lui ses émoluements.
Identifié comme un collaborateur du premier rang, Hergé est brièvement incarcéré à la Libération et ne doit qu’à son talent et à ses nombreux soutiens d’échapper à une sanction plus grave.
Au fil des albums (22 au total), Tintin s’illustre aux quatre coins de la planète, dans tous les conflits et enjeux sociétaux, y compris l’esclavage et la traite des Noirs (Coke en stock), la colonisation de l’Afrique (Tintin au Congo), l’isolement du Tibet (Tintin au Tibet) etc.
Le sceptre d’Ottokar (1938) est manifestement inspiré par l’Anschluss qui survient la même année. On y découvre un parti dénommé la Garde d’acier – qui évoque la Garde de fer de Corneliu Codreanu, en Roumanie – et dont le chef s’appelle Müsstler, nom composé de MUSSolini et de hiTLER.
L’Oreille cassée (1935) transpose la guerre du Chaco entre le Paraguay et la Bolivie (1932-1935). Dans l’album, les deux pays deviennent respectivement Nuevo Rico et San Theodoros… Hergé en prit connaissance par la lecture du Crapouillot et reprit le motif des intérêts pétroliers anglo-saxons comme déclencheur de la guerre.
La première version de Tintin au pays de l’or noir (entamée en 1939) évoque clairement le mandat britannique dans une Palestine où Juifs et Arabes se disputent déjà. L’engagement politique d’Hergé est encore plus net dans Le Lotus bleu (1934), où il s’appuie sur l’incident de Moukden (1931) pour développer toute une rhétorique anti-japonaise.
Dans L’étoile mystérieuse (1947), l’auteur s’offre une allusion discrète au maréchal Pétain et à ses discours de résignation à travers le portrait d’un prophète de malheur, Philippulus.

Présent dans plusieurs albums, le cher Tryphon Tournesol est le portrait craché d’un savant fantasque et très populaire en son temps : Auguste Piccard (1884-1962), inventeur du bathyscaphe.
Évoluant avec son temps sans jamais vieillir, le reporter clôt son cycle d’aventures avec une guérilla latino-américaine : Tintin et les Picaros. L’image finale de cet album est un clin d’oeil désabusé à la triste réalité politique : elle montre les guerilleros, une fois la victoire acquise, renouant avec les mauvaises manières du dictateur déchu. On pense inévitablement aux désillusions de la révolution castriste, à Cuba (1959), et aussi de la révolution sandiniste, au Nicaragua (1979), postérieure de quatre ans à la sortie de l’album (1975).
De l’aveu de beaucoup d’amateurs, le plus réussi des albums n’en demeure pas moins Les bijoux de la Castafiore qui a la particularité de ne reposer sur aucune intrigue mais seulement sur la conviction de la plantureuse chanteuse que ses bijoux lui ont été volés.
Sur une décision d’Hergé, confirmée par ses héritiers, le chaste héros en culottes de golf n’aura pas d’autres aventures en bandes dessinés. Ne le regrettons pas : Tintin et Milou resteront ainsi à jamais comme la meilleure illustration de l’Histoire du XXe siècle. Pour tous les enfants de 7 à 77 ans.
Quant au cinéma, il n’a généralement offert que de médiocres adaptations, si l’on met à part les Indiana Jones de Steven Spielberg, inspirés de Tintin, de l’aveu même du réalisateur américain.
Celui-ci, cependant, ne s’est jamais satisfait de ses avatars malgré leur succès. Il a obtenu à l’arraché le droit d’adapter l’oeuvre d’Hergé et offert à Tintin une nouvelle vie sur les écrans en 2011 sous la forme d’un film d’animation.
