Barack Obama livre un plaidoyer pour restaurer la démocratie américaine

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Barack Obama à Washington, 12 janvier 2016.© /Reuters / CARLOS BARRIA

Le président américain a livré son dernier discours sur l’état de l’Union en voulant contrer le déclinisme républicain. Et il a émis un regret: celui de n’avoir pas eu le talent de Lincoln et de Roosevelt pour combler le fossé partisan entre démocrates et républicains

Le dernier discours sur l’état de l’Union de Barack Obama n’aurait pas pu avoir lieu dans un contexte aussi dramatique. Quelques heures avant ce moment solennel de la démocratie américaine, où le président s’adresse à la nation devant les deux chambres du Congrès réunies, dix marins américains ont été interceptés par des Gardiens de la révolution, l’armée d’élite du régime iranien, au large de l’île iranienne Farsi dans le golfe Persique.

Avant l’allocution du locataire de la Maison-Blanche, la grande interrogation que les «pundits», les experts s’exprimant sur les chaînes de télévision, se posaient était liée à cette crise impromptue: Barack Obama va-t-il en parler ou va-t-il éviter le sujet? Le moment était forcément délicat. Dans quelques jours, les sanctions internationales contre Téhéran relatives à son programme nucléaire seront levées et permettront à la République islamique d’accéder à plus de 100 milliards de dollars de manne pétrolière bloqués jusqu’ici.

Barack Obama est resté très sobre au sujet de l’Iran, se contentant de souligner que Téhéran avait commencé à démanteler son programme nucléaire et exporté son stock d’uranium. Il a rappelé qu’en négociant avec un pays placé par George W. Bush sur l’Axe du Mal, la planète a évité une guerre. Ces propos ont été volontairement courts pour éviter de court-circuiter le chef de la diplomatie américaine qui a rapidement pris contact avec son homologue iranien Mohammad Javad Zarif pour tenter de résoudre la crise au plus vite et de faire libérer les marins au plus tôt. Aux dernières nouvelles, les marins devaient être libérés à 8 heures du matin (heure suisse).

Réfutation des discours sur le déclin économique des Etats-Unis

Là où le président démocrate a été beaucoup plus prolixe, c’est au sujet de l’état réel de l’Union. Il a refusé la rhétorique du déclin des candidats républicains à la Maison-Blanche. Il a rappelé que les Etats-Unis restaient de loin la plus grande puissance militaire et demeuraient l’économie la plus solide de la planète. «Je vous l’ai déjà dit, tous ces discours sur le déclin économique de l’Amérique ne sont que du vent de même que la rhétorique au sujet de nos ennemis devenant plus forts et l’Amérique s’affaiblissant.»

2010-2016: lors de ses premiers et dernier discours sur l’état de l’Union. /AFP / –

Le discours de mardi soir diffusé sur les télévisions américaines a été particulièrement fort quand Barack Obama a abordé les risques menaçant la démocratie américaine. Il a livré un vrai testament sur ce qu’il juge nécessaire d’entreprendre pour la revivifier. Il a exhorté les Américains à rejeter ceux qui, en politique, désignent des boucs émissaires pour expliquer les problèmes du moment, qui utilisent la race, la religion pour diviser. «La démocratie requiert un minimum de confiance entre citoyens. Cela ne marche pas si nous pensons que tous ceux qui ne sont pas d’accord avec nous sont animés par la malice ou que nos adversaires politiques ne sont pas des patriotes. La démocratie se grippe sans une volonté de faire des compromis. (…) La vie publique recule si seules les voix les plus extrêmes captent l’attention. Surtout la démocratie s’écroule quand le citoyen lambda a l’impression que sa voix ne compte pas.» Le président a émis des critiques à peine voilées à l’encontre de celui qui est en tête des sondages dans la course à l’investiture républicaine, Donald Trump.

Un dernier regret

Si l’allocution a été marquée par un optimisme sur la capacité de l’Amérique d’innover, de se réinventer, Barack Obama a eu un moment d’humilité qui a marqué les esprits. «C’est là l’un des quelques regrets au cours de ma présidence: que la rancœur et la suspicion entre les partis (politiques) ont empiré au lieu de diminuer. Cela ne fait aucun doute. Un président aussi doué que Lincoln ou Roosevelt aurait sans doute mieux réussi à combler le fossé. Mais je vous l’assure: je vais essayer d’être meilleur tant que je suis toujours en fonction.»

Barack Obama a toutefois ajouté que le Congrès, qui a sans doute été le plus obstructionniste face à la Maison-Blanche depuis des décennies, devait aussi changer d’attitude. Ses propos ont voulu tenir compte de la colère qui anime une partie des Américains prêts à se rallier derrière des candidats populistes de la trempe de Donald Trump ou Ted Cruz. Une manière d’exhorter Washington à changer la politique pour en faire quelque chose en quoi les citoyens ont à nouveau confiance. Dans son septième et dernier discours sur l’état de l’Union, le président a reconnu que le XXIe siècle est le théâtre de changements profonds qui bouleversent le marché de l’emploi.

En matière de politique étrangère, il a défendu sa politique prudente notamment au Moyen-Orient, précisant toutefois que l’Amérique s’appliquait, avec la coalition internationale qu’elle a mise place, à anéantir l’État islamique en Irak et en Syrie. Il a souligné l’importance de lever l’embargo contre Cuba et de ratifier le Partenariat trans-pacifique, un traité de libre-échange conclu par douze pays représentant 40 % du commerce mondial. Il a vanté les mérites d’avoir empoigné à bras-le-corps la lutte contre le changement climatique et les efforts que son administration a consentis pour développer les énergies renouvelables et promouvoir l’innovation technologique.

Conscient de la trace qu’il souhaite laisser dans l’Histoire, Barack Obama a aussi eu des tons très politiques afin de faciliter la course des démocrates à la Maison-Blanche. Car si un républicain devait lui succéder à la présidence, certains de ses accomplissements pourraient être détricotés.

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