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Nul n’imagine sérieusement que le port de la soutane ou celui de la kippa posent le moindre problème d’ordre public : les interdire susciterait des réactions justifiées.
François Teutsch
Avocat

En dépit des tentatives désespérées de la presse pour minimiser l’affaire, l’agression d’un enseignant juif, commise à Marseille par un jeune musulman, est bien motivée par des raisons religieuses. Le Figaro nous apprend que le jeune de 16 ans a honte de ne pas avoir tué sa victime et qu’il a agi au nom d’Allah et de Daech. C’est donc bien un juif qui était visé parce qu’il était juif, au nom de l’islam.

Le consistoire israélite de Marseille a recommandé à ses coreligionnaires de ne plus porter la kippa en public. Cette recommandation est compréhensible, compte tenu de l’émotion suscitée par cet attentat, et par le risque permanent que prennent les juifs dans une ville où la présence musulmane est importante. Elle a provoqué une avalanche de réactions de politiciens opposés à cette précaution, ainsi que celle du président du CRIF, qui a jugé que ce n’était pas une bonne idée.

L’argument essentiel est irréfutable : il appartient à l’État d’assurer la protection de ses citoyens et leur liberté d’exprimer leurs convictions dans l’espace public. Ce qui l’est moins, c’est d’invoquer la « République » pour cela. À moins que ces augustes commentateurs n’aient oublié l’Histoire de France – hypothèse somme toute assez vraisemblable -, ils devraient savoir que la laïcité de combat mise en vigueur par le nouveau régime entre 1880 et 1914 a combattu de toutes ses forces l’expression des convictions personnelles – ou plutôt religieuses, mais c’est bien de cela qu’il s’agit – sur l’espace public. Jusqu’à interdire, comme le fit le maire du Kremlin-Bicêtre en septembre 1900, le port de la soutane dans la rue !

Certes, il s’agit d’une époque heureusement révolue, même si certains en sont nostalgiques au point de croasser sur le passage d’un prêtre. Mais la question n’est pas close pour autant. Elle doit se poser à nouveaux frais : comment justifier une différence de traitement entre les musulmans, à qui on interdit – à juste titre – le port de la burqa, les juifs à qui on conseille de résister en maintenant leur kippa au sommet de leur crâne, et les catholiques dont on tolère l’expression de leur foi sur l’espace public, non sans sérieuses restrictions et quelques regards noirs lorsqu’un prêtre se promène dans la rue vêtu de la tenue de son état ?

C’est tout le problème du dogme de la laïcité à la sauce républicaine. En refusant de reconnaître une quelconque religion, l’État ne se cantonne pas à une prudente neutralité, ni n’applique la conception chrétienne de la laïcité qui tend à distinguer les sphères spirituelle et temporelle dans le respect de leurs domaines d’action respectifs. Il se lie les mains : soit tout costume religieux est interdit, soit tous sont autorisés. Et nul n’imagine sérieusement que le port de la soutane ou celui de la kippa posent le moindre problème d’ordre public : les interdire susciterait des réactions justifiées.

Alors comment sortir de cette contradiction ? En repensant le principe de laïcité à frais nouveaux. C’est-à-dire en reconnaissant la spécificité des religions qui ont construit notre civilisation, et en ne se retranchant pas derrière le principe pour interdire la tenue des musulmans : simplement en considérant qu’elle est l’expression d’une appartenance culturelle et religieuse incompatible avec les fondements de notre société, qui se surcroît s’accompagne depuis plusieurs décennies d’actes commis au nom de l’islam portant gravement atteinte à la paix civile.

Il n’est pas certain que les musulmans français qui s’habillent comme tout le monde s’en plaignent. Après tout, il n’est pas possible de pleurnicher sur le thème de la stigmatisation et de se singulariser sans cesse par le port d’une tenue – fût-ce le hijab – qui marque clairement l’appartenance à la religion du Prophète.

Boulevard Voltaire – La liberté guide nos pas