La dilution des pourparlers de Genève sur la Syrie

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Staffan de Mistura: «Mon mandat consiste à inviter une opposition aussi «inclusive» que possible.» © Reuters / SALVATORE DI NOLFI

Les négociations pourraient durer six mois. L’émissaire de l’ONU refuse de trancher sur la composition de la délégation de l’opposition

Les fameuses «invitations» devraient enfin partir ce mardi. Les Syriens, c’est-à-dire les responsables désignés par le président Bachar el-Assad ainsi que ses ennemis, sont «invités» à résoudre leurs différends à partir de jeudi prochain à Genève. Qui, concrètement, sera invité? Mystère. Et qui, encore plus concrètement, acceptera de se prêter au jeu, et de venir participer à des discussions qui, d’entrée de jeu, sont destinées à durer six mois et à propos desquelles personne, aujourd’hui, ne se fait la moindre illusion? C’est un mystère au carré que l’émissaire de l’ONU, Staffan de Mistura, n’a pas réussi à résoudre lundi, en présentant sa nouvelle initiative au Palais des Nations de Genève.

Voilà deux ans que le raout diplomatique engagé alternativement à Genève et à Montreux est au point mort. Pour le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, il n’était pas question de laisser passer cette date sans broncher, tandis que la guerre en Syrie a déjà fait plus d’un quart de million de victimes et qu’elle continue de jeter sur les routes des millions d’autres. Le «processus» devait se remettre en marche. Avec une contrainte: qu’il ne se transforme pas en une nouvelle pantalonnade inutile, un remède qui serait pire que le mal.

Comme l’a rappelé Staffan de Mistura, beaucoup de choses ont changé en deux ans. Le diplomate énumère: la création du groupe international de soutien à la Syrie (intégrant 17 membres, dont les principaux Etats parties au conflit), l’entrée en guerre de la Russie, l’ampleur prise par le phénomène migratoire, les attentats sanglants de l’organisation de l’État islamique (Daech). Mais au lieu de clarifier la donne, tout cela n’a fait que la compliquer encore. Pour preuve: la composition de la délégation de l’opposition, péniblement négociée en Arabie saoudite, a été rejetée par Moscou. Ce n’est pas là un caprice diplomatique. Des membres de cette délégation dépendra bien évidemment la teneur des discussions et, surtout, la place qui sera accordée à la question centrale: l’avenir de la Syrie se dessinera-t-il avec Bachar el-Assad, ou sans lui?

La Russie insiste pour que d’autres composantes de l’opposition soient également présentes. En clair: les forces kurdes (importantes sur le terrain), mais aussi certains opposants «tolérés» par le régime de Bachar el-Assad, soit des personnalités qui joueront dans son camp. En revanche, Moscou s’oppose à la présence de certains groupes salafistes, dont Ahrar el-Sham (les Hommes libres du Levant) ou Jaish el-Islam (l’armée de l’Islam), sans lesquels aucune issue n’est envisageable mais que Moscou place dans le camp des «terroristes».

La trouvaille de Staffan de Mistura et de son équipe? Il n’y aura pas de «cérémonie d’ouverture» pour le processus. Les délégations, en outre, ne doivent pas se rencontrer. Il y a, au Palais de Nations, assez de place pour tous. D’autant que les discussions séparées (personne ne parle plus de «négociations») pourront s’étendre sur une durée de six mois. Une seule délégation pour l’opposition? Deux délégations distinctes, soit «l’opposition saoudienne» d’un côté et «l’opposition russe» de l’autre? Personne n’en sait rien. D’autant moins, que tout cela sera en outre dilué par la présence de représentants de la «société civile» et d’organisations de femmes, a expliqué de Mistura. «Mon mandat consiste à inviter une opposition aussi «inclusive» que possible», souligne-t-il.

George Sabra, opposant «historique» syrien qui devait être le «numéro deux» de la délégation de l’opposition à Genève s’en étrangle au téléphone. «Les Américains ont fini par donner leur blanc-seing au soi-disant plan de paix des Russes et des Iraniens», tonne-t-il en référence aux deux alliés principaux du régime de Bachar el-Assad. Le «haut comités des négociations», dont George Sabra est le vice-président, doit se réunir ces prochains jours en Arabie saoudite pour donner sa réponse aux «invitations» de Staffan de Mistura. «Nous prendrons la bonne décision», promet-il.

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