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Réforme de l’UE. Le Royaume-Uni souhaite protéger les intérêts de la minorité des Etats membres hors zone euro.

Henri Schwamm*

En demandant une réforme de l’Union européenne (UE), les Britanniques veulent surtout éviter que celle-ci ne devienne «an ever closer union». Ils sont d’avis que la monnaie unique est l’illustration parfaite de la volonté des 19 membres de la zone euro d’aller à marche forcée vers le fédéralisme sans véritable union économique préalable. Or la crise de la monnaie unique, avec pour corollaire le nécessaire renforcement de la zone euro qu’elle suppose, crée de fait deux groupes distincts au sein de l’UE. Aux yeux des Britanniques, depuis 2008, l’UE ne s’occupe que du sauvetage de l’euro.

La zone euro doit disposer des instruments de son intégration. Le Royaume-Uni le comprend, mais exige que les intérêts de ceux qui n’ont pas adopté la monnaie unique ne soient pas menacés par le renforcement inéluctable de la zone. Attitude très schizophrène. Il voudrait faire préciser que l’euro n’est pas la seule devise de l’UE, que la participation des Etats membres hors zone euro à toute action monétaire ou bancaire reste facultative, et que le budget de l’Union ne sert jamais à la politique monétaire sans une compensation pour les pays hors de l’euro!

Paradoxalement, c’est à la City qu’ont lieu le plus de transactions en euros… La livre sterling dépend autant de l’euro que du dollar. Les Britanniques s’inquiètent des menaces pesant sur les intérêts de la City et souhaitent ardemment qu’elle reste la première place financière de l’Europe. Même s’ils ne demandent pas de droit de veto sur les décisions de la zone euro, ils ont beaucoup de mal à accepter que leur avis ne puisse s’imposer dans les matières financières. Et ils contestent le rôle de la Banque centrale européenne.

Le Royaume-Uni souhaite donc protéger les intérêts de la minorité des Etats membres hors zone euro et qu’il soit acté que l’UE est un territoire où coexistent plusieurs monnaies, une «Union multi-devises». Selon certains, la crise de l’euro aurait mis un terme à l’expansion de la monnaie unique et c’est un état de fait; le dire n’ajouterait ni ne retrancherait rien à la situation. Selon d’autres, tous les Etats membres ont vocation à rejoindre l’euro, sauf s’ils ont négocié un opt-out. En attendant, les deux groupes doivent coexister.

Le risque est que les membres de la zone euro se rencontrent en formation zone euro avant les sommets et tranchent en fonction de leur intérêt majoritaire. Sans formellement demander un droit de veto sur les décisions que la zone euro prendrait pour elle-même, le Royaume-Uni souhaite un mécanisme de sauvegarde pour amorcer une négociation chaque fois qu’une décision prise en faveur de la zone euro risque de porter atteinte aux intérêts de la minorité hors zone euro. Un compromis semble possible. Ce compromis prendrait acte de l’existant en l’améliorant: un vaste marché unique approfondi avec en son sein une union économique et monétaire. Les Britanniques ne souhaitent pas accompagner l’évolution vers une Union toujours plus étroite; ils veulent renforcer le rôle des parlements nationaux pour qu’ils puissent repousser les projets législatifs émanant du Conseil et de la Commission, les menacer en somme d’un véritable «carton rouge». Ils demandent un respect plus strict du principe de subsidiarité. L’idée d’un droit de veto des parlements nationaux, selon une majorité qualifiée à préciser, pourrait faire son chemin. Que la demande officielle émane du Royaume-Uni, alors que plusieurs parlements nationaux la formulent officieusement, ne surprend pas lorsqu’on connaît l’attachement de la démocratie britannique à la souveraineté parlementaire.

Londres souhaite que la négociation sur la réforme de l’UE se termine rapidement. Comme les deux parties et leurs populations respectives sont largement convaincues de la nécessité du maintien du Royaume-Uni dans l’Union, les discussions aboutiront presque fatalement à un compromis, dont il reste à définir le contenu et la forme juridique. Il ne faut pas non plus cacher que les Anglais disent tout haut ce que beaucoup d’autres Européens pensent tout bas.

* Université de Genève

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