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Professeure d’anglais, Wiam Berhouma est devenue célèbre depuis son intervention critique contre le philosophe et académicien français Alain Finkielkraut sur le plateau de l’émission de David Pujadas, Des paroles et des actes. Mais curieusement, près de trois semaines après sa diffusion, le flot d’attaques racistes et misogynes dont elle est la cible ne tarit pas. Zaman France s’est entretenu avec elle pour essayer d’en comprendre les raisons.

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Professeure d’anglais, Wiam Berhouma a apporté la contradiction au philosophe Alain Finkielkraut dans l’émission Des Paroles et des Actes sur France 2. 

 

«Ça a diminué par rapport à l’après-émission car j’avais reçu un pic énorme de messages de haines. Mais c’est toujours très élevé par rapport à ce que cela devait être. Je pensais que cela durerait 72 heures au grand maximum».

La plupart des messages qui lui sont adressés sont publiés sur Twitter, Facebook, mais pas seulement. «Beaucoup de messages misogynes, islamophobes. Ça n’a pas été une critique de fond de ma prestation, seulement des critiques sur ma personne, sur ce que je suis, ce que je peux représenter. J’ai aussi reçu une dizaine de courriers au travail, chez moi aussi. Des lettres insultantes sur le thème : «Comment avez vous osé vous adresser à Finkielkraut ?», etc.

https://www.youtube.com/watch?v=Oj8VbUqasxw&feature=youtu.be

«Si j’étais blanche, cela serait passé plus facilement»

Des menaces également sur lesquelles elle ne veut pas s’apesantir. «J’ai reçu des menaces sur Twitter. «On va te faire rentrer chez toi» et des menaces plus graves. On a même essayé de m’appeler à mon travail». Certains messages l’ont faite sourire. «Celui qui m’a fait le plus rire c’était «beurette siliconné». On m’a taxé d’antisémite, d’islamiste. On m’a même dit que quand j’ai parlé, j’avais le même regard que Mohamed Merah.»

Comble du comble pour elle, son compte Facebook a également été bloqué, sans doute à la suite d’un signalement.

Elle qui partait pour confronter une parole critique contre l’un des représentant de la pensée néo-réactionnaire pour paraphraser Le Monde, s’est vue attribuée le rôle peu valorisant de «trublionne sauvageonne».

Wian Berhouma en est persuadée : les choses se seraient passées différemment si la couleur de sa peau était elle aussi différente.

«Mes propos n’étaient pas irrespectueux. Si j’étais blanche, cela serait passé plus facilement. On est dans un climat raciste, décomplexé et islamophobe à tous les niveaux. Dans une configuration où le musulman est un ennemi avant toute chose. Je suis une femme. Les propos misogynes que j’ai reçu sont énormes. Je cumule : femme, non blanche, musulmane de quartier populaire ! C’était trop pour des personnes qui n’étaient pas prêtes à l’envisager. Je cristallisais toutes ces représentations. D’ailleurs, les réactions insultantes des gens n’ont fait que prouver la vérité de l’intervention. Nous sommes dans un climat tellement délétère en France, aujourd’hui, que pour éviter de répondre aux critiques, on préfère nous délégitimer. C’est dangereux».

Cette confrontation simultanée de trois ou quatre France(s) différentes, en direct, n’aura donc pas été du goût de tous. Le désormais célèbre «Taisez-vous» de Wiam Berhouma n’étant, selon ses mots, qu’une réponse au tout aussi connu «Taisez-vous» d’Alain Finkielkraut lancé avec colère au scénariste du film Le Prophète, Abdel Raouf Dafri, qui avait exprimé avec fougue des critiques au philosophe et auteur de La défaite de la pensée, sur le plateau de Ce soir ou jamais.

Médias et fachosphère, un cocktail explosif

Mais alors, de qui viennent les attaques ? De l’extrême-droite ? D’autres milieux idéologiques ? L’intéressée à sa petite idée.

«Je pense qu’une grande partie des attaques vient de la fachosphère. Des attaques racistes où les personnes ont dit ce qui leur passait par la tête. Il y a aussi une responsabilité des médias qui ont  colporté des contre-vérités à mon sujet comme Marianne, Causeur ou l’Express qui ont parfois écrit des articles truffés de contre-vérités. On m’a affilié à toute une série de mouvements, on a dit que je faisais partie du Parti des Indigènes de la République ou de la Mafed. Les journalistes se sont appuyés sur la fachosphère pour écrire leurs articles, sans vérifier leurs informations, ce qui est grave».

Un bad buzz dont Wiam Berhouma se serait donc bien passée. Heureusement pour elle, d’autres messages plus agréables lui sont tombés dessus.

«J’ai eu aussi des personnes qui m’ont interpellé pour m’encourager et me dire qu’ils se sont reconnus dans mes propos. On m’a dit «bravo et merci de l’avoir fait»».

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