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photo Pascal Guittet
Un rapport commandé par le Bureau d’enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT), qui dépend du ministère de l’Ecologie, du développement durable et de l’énergie, accable à nouveau la SNCF. Cette étude, mise en ligne discrètement le 19 janvier, a été révélée par le quotidien Les Echos mardi 9 février.
Le BEA-TT a confié à l’équipe ergonomie, facteurs organisationnels et humains (EFOH) de la division Ligeron de Sonovision une étude achevée le 23 septembre dernier et intitulée « Analyse des facteurs humains et organisationnels mis en jeu dans quatre évènements ferroviaires récents ».
Elle relate des accidents passés relativement inaperçus… A Denguin (Pyrénées-Atlantiques), le 17 juillet 2014, une rame de TGV avait été heurté par un TER. A proximité de la gare d’Achères-Grand-Cormier (Yvelines), le 9 décembre 2014, un RER A avait franchi en déviation et en survitesse un aiguillage. Le 28 janvier 2015, un TGV a déraillé en gare de Lyon (Paris). Enfin, le 23 février 2015, un incident sans conséquence était intervenu à La Possonnière (Maine-et-Loire) .
Des souris et des hommes
A Denguin, 35 personnes avaient été blessées. L’étude explique que « la cause directe de l’accident est la réalimentation intempestive de la commande à voie libre du signal S23 de protection du canton qui a présenté le feu vert au TER alors que le TGV occupait encore le canton suivant. Cette réalimentation a très certainement été provoquée par un contact furtif entre deux fils électriques, de nombreux fils ayant été abîmés par des rongeurs dans la guérite de signalisation… » Cette guérite avait fait l’objet d’une visite de maintenance un mois auparavant sans qu’aucune anomalie ne soit signalée, alors que son état était tel que les rongeurs y pénétraient sans aucun problème.
A Achères, une rame du RER A avait franchi, « sans que la signalisation ne l’ait annoncé, l’aiguille 116 en déviation vers une voie de service à 87 km/h pour une vitesse autorisée ». « La cause directe […] est un erreur de câblage des quatre fils électriques du circuit de contrôle-commande de cette aiguille lors de travaux de remplacement d’un câble comprenant 28 fils électriques. »
Une maintenance défaillante
A la Gare de Lyon, la rame d’un TGV avait déraillé à 29 km/h sur l’aiguille 22L en entrée de la voie 15 où elle devait se mettre à quai. Le matériel roulant et l’infrastructure ont été endommagés. « La cause directe de l’accident est le changement de position de cette aiguille sous le TGV car le verrou de son balancier de commande n’interdisait plus la manœuvre sous un train. Cette anomalie s’explique par une erreur lors d’une opération de maintenance préventive réalisée deux heures auparavant sur cette installation du poste 2 Paris Gare de Lyon, un poste d’aiguillage très singulier datant de 1932. »
L’incident de la Possonnière est du lui aussi à une erreur humaine. « Le 23 février 2015, vers 17h45, […] le TER n° 857376 qui circule à la vitesse de 116 km/h en direction d’Angers, après avoir rencontré un signal au vert au PK 366,2, déclenche un freinage d’urgence 1,2 kilomètre plus loin après avoir distingué à quelque 1,5 kilomètre devant lui l’arrière du TGV n° 8846 à hauteur d’un signal au rouge. Le conducteur du TER s’arrête avant ce signal, heureusement sans rattraper le TGV qui a poursuivi sa marche, et informe le centre opérationnel de gestion des circulations (COGC) de cet incident contraire à la sécurité. La cause directe de l’incident est la réalimentation intempestive du relais de commande du signal 366,2, pendant une dizaine de secondes, occasionnée par l’intervention d’un agent SE d’astreinte sur ce signal en dérangement. Le TER a ainsi pu le franchir au vert et continuer à vitesse normale alors que le TGV qui venait de le franchir au rouge circulait encore en marche à vue à moins de 30 km/h dans le canton suivant. Cet agent SE, pourtant expérimenté, a confondu deux bornes électriques, suite à une erreur de lecture ou une mauvaise mémorisation, et a réalisé deux pontages électriques entre bornes, une opération interdite par les référentiels SNCF, sans avoir pris de disposition concernant la sécurité des circulations alors que le TER approchait. »
Le rapport du BEA-TT met en évidence des erreurs humaines à répétition. Il dénonce l’absence de ressources humaines compétentes dans le métier de la signalisation électrique, la complexité des référentiels de maintenance, la mise en tension des organisations locales, notamment en raison de la multiplicité des chantiers, le manque de formation des nouveaux personnels… Les 350 recrutements annoncés par la SNCF pour la maintenance ne suffiront sans doute pas à résoudre tous les problèmes.