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Un Juste à la Maison Blanche

Si la postérité ne devait conserver du XIXe siècle que le souvenir d’un seul homme, il serait juste que ce soit celui-là. Lincoln n’eut jamais le souci d’embellir sa vie et ses actes. Les faits parlent d’eux-mêmes.

Une vie de droiture

Abraham Lincoln naît dans une cabane, au Kentucky, en 1809, dans un ménage de bûcherons illettrés.

Grand et vigoureux, il manie très tôt la hache. Malgré les difficultés et les malheurs familiaux, il apprend à lire et satisfait son goût irrépressible pour l’étude et le droit.

En 1834, il se met à l’étude du droit. Il s’établit à Springfield, une petite ville de l’Illinois, et y devient le modèle de l’avocat intègre et compatissant.

Plutôt laid de visage mais doté d’une voix envoûtante, Abraham Lincoln s’exprime avec des mots compréhensibles de tous et un raisonnement d’une très haute tenue. Cela lui vaut d’être élu le 4 août 1834 au Congrès de l’Illinois dans les rangs des whigs (libéraux), un jeune parti qui s’oppose au parti démocrate du président Jackson.

Le 3 août 1846, il est élu au Congrès fédéral de Washington. Manifestant courageusement ses réticences à l’égard de la guerre contre le Mexique en 1847, qu’il juge immorale, il doit renoncer à se représenter devant ses électeurs, outrés par ses prises de position, et retrouve sans regret son cabinet d’avocat.

La question de l’esclavage

Cependant, la publication en 1851-1852 du roman Uncle Tom’s Cabin (La Case de l’Oncle Tom) relance le débat sur l’esclavage aux États-Unis.

Le 30 mai 1854, le bill Kansas-Nebraska du sénateur démocrate Stephen Douglas autorise les électeurs de ces États à choisir leur statut d’État libre ou esclavagiste.

La décision contrevient au «compromis du Missouri» qui avait établi en 1820 que les nouveaux États seraient obligatoirement libres au nord de la Mason & Dixon Line et esclavagistes au sud.

Sous le coup de l’indignation, Lincoln retourne à la politique et combat avec vigueur Stephen Douglas.

Il s’ensuit une scission de son parti, le parti whig, et la naissance, à Philadelphie, le 14 juin 1856, d’un nouveau parti, le parti républicain, partisan de contenir l’esclavagisme. Lincoln en devient le chef de file dans l’Illinois.

Pour l’élection présidentielle de 1860, les démocrates se divisent (d’un côté les partisans du droit des États à choisir leur régime, de l’autre les esclavagistes durs). Les républicains choisissent Lincoln, qui, grâce à la division des adversaires, est élu le 6 novembre avec seulement 40% des voix !

La guerre du droit et de l’unité

La Caroline du Sud décide dès le 20 décembre de faire sécession. Elle est imitée par dix autres États qui veulent préserver l’esclavage et plus encore leur civilisation agraire et aristocratique que menace l’affairisme des industriels du Nord.

Abraham Lincoln veut plus que tout préserver l’unité du pays. Dans son discours d’investiture, le 4 mars 1861, il propose au Sud de conserver l’esclavage sous certaines conditions. Il tient à rappeler qu’il est attaché au maintien de la fédération et au respect de la Constitution plus encore qu’à l’abolition de l’esclavage. Mais les Sudistes ne sont pas disposés à lui faire confiance et rejettent son ouverture.

La guerre de Sécession entre le Nord et le Sud (Civil War en anglais) devient dès lors quasiment inévitable. Dès le début du conflit, le président Lincoln prend des mesures énergiques. Il ne craint pas de faire emprisonner des milliers de suspects sans jugement.

Après quatre longues années de combats impitoyables et meurtriers, préfiguration des guerres mondiales du XXe siècle, la guerre civile se termine le 9 avril 1865 avec la reddition du général sudiste Lee.

Apothéose

Quelques jours plus tard, le 14 avril 1865, le 16e président américain, épuisé et sans doute déjà très malade, manifeste le désir d’un moment de détente. Il se rend avec sa femme au Ford’s Theatre de Washington. Là l’attend son assassin… Le lendemain, 15 avril 1865, le monde pleure en apprenant la mort d’Abraham Lincoln.

L’ancien président est inhumé au cimetière d’Oak Ridge (Springfield, Illinois) le 4 mai au terme de grandioses funérailles. Sa fin tragique a pour effet de ressouder les Américains entre eux et de faire oublier les innombrables haines qui se concentraient sur sa personne. L’action de Lincoln trouve un aboutissement posthume avec le vote du XIIIe amendement à la Constitution des États-Unis, le 18 décembre 1865, qui abolit l’esclavage.

The Gettysburg Address

Tout comme les écoliers français apprennent par coeur des fables de La Fontaine, bon nombre de jeunes Américains apprennent au collège le discours que leur président Abraham Lincoln prononça à Gettysburg le 19 novembre 1863, à l’occasion de la dédicace d’un cimetière en hommage aux victimes : The Gettysburg Address (texte intégral en français et en anglais).

Bibliographie

Je recommande l’excellente biographie illustrée de l’historien Bernard Vincent : Lincoln, l’homme qui sauva les États-Unis (420 pages, 22€,L’Archipel, février 2009). Les éditions Flammarion ont par ailleurs réédité la traduction d’une biographie par Stephen B. Oates : Lincoln (600 pages, 26 €, janvier 2009). À noter aussi la petite biographie illustrée de Louis de Villefosse : Lincoln (Seuil). Hélas, la première édition date de 1965 et il n’est pas sûr que le livre soit encore disponible.

O Captain ! My Captain !

La mort tragique du président Abraham Lincoln a inspiré à Walt Whitman un poème célèbre, O Captain ! My Captain ! Le film Le cercle des poètes disparus, avec Robin Williams dans le rôle principal, en a transmis l’écho à toute la planète.

O Captain ! My Captain !

O Captain ! My Captain ! our fearful trip is done,
The ship has weather’d every rack, the prize we sought is won,
The port is near, the bells I hear, the people all exulting,
While follow eyes the steady keel, the vessel grim and daring;

(…)

Traduction du poème, d’après l’édition définitive du recueil Feuilles d’herbe, par Léon Bazalgette; 2 vol. Mercure de France (1922) :

Ô Capitaine ! Mon Capitaine !

Ô Capitaine ! mon Capitaine ! fini notre effrayant voyage,
Le bateau a tous écueils franchis, le prix que nous quêtions est gagné,
Proche est le port, j’entends les cloches, tout le monde qui exulte,
En suivant des yeux la ferme carène, l’audacieux et farouche navire ;

(…)

http://www.herodote.net/