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Egypte, Erdogan, Israël, Lobby Juif, Malcolm Hoenlein, Netanyahou, normalisation, Turquie
La Conférence des présidents des organisations juives américaines a été accueillie par le chef de l’Etat Tayyip Erdogan avant de se rendre au Caire dans un contexte où les délégations turques et israéliennes ont repris, à Genève, les pourparlers en vue de la normalisation des relations entre Ankara et Tel Aviv.
Le président de la République turque, Tayyip Erdogan, a accueilli, mardi 9 février, les représentants du lobby juif américain au palais présidentiel à Ankara.
C’est la première fois depuis l’affaire du Mavi Marmara, du nom de la flottille de Gaza qui avait été attaquée par l’armée israélienne en 2009, entraînant la mort de neuf citoyens turcs, que Tayyip Erdogan a rencontré les grands noms de la communauté juive américaine.
Mardi 9 février, la Conférence des présidents des principales organisations juives des Etats-Unis a été en effet reçue au palais présidentiel à Ankara. L’entrevue, qui a duré une heure, est à marquer d’une pierre blanche et ce, à plus d’un titre.

D’abord, l’un des membres de ce groupe n’est autre que la Ligue anti-diffamation, une association qui était en bisbille avec Erdogan auquel il avait pourtant décerné, en 2005, le fameux Prix du courage.

Dix ans plus tard, elle en avait demandé la restitution estimant qu’Erdogan était devenu entre-temps, le «leader anti-israélien le plus virulent dans le monde, incitant la population turque à la violence contre le peuple juif». Le Premier ministre turc de l’époque (aujourd’hui président de la République) avait en effet déclaré qu’Israël avait surpassé Hitler dans la barbarie contre les Palestiniens.
Les négociations reprennent à Genève
Ensuite, cette visite intervient dans un contexte où la Turquie et Israël essaient de renouer les contacts en vue d’un rétablissement des relations diplomatiques, rompues en 2010. Mercredi 10 février, les délégations se sont rencontrées à nouveau à Genève, en Suisse, pour tenter de trouver une solution à deux sujets critiques : la liberté d’accès des Turcs dans la bande de Gaza et la fin des activités du Hamas en Turquie.
Déjà en décembre dernier, Tayyip Erdogan en avait surpris plus d’un en affirmant que la détente entre les deux pays était nécessaire pour la stabilité de la région et que «la Turquie avait besoin d’Israël».
«L’Etat d’Israël est un ami de la Turquie», avait renchéri Ömer Celik, le porte-parole de l’AKP (parti de la justice et du développement, au pouvoir) suscitant une gêne à peine dissimulée dans les milieux conservateurs. Dans la foulée, Salah Aruri, un leader du Hamas réclamé par l’Etat hébreu, avait mis fin à son exil stambouliote.
La délégation menée par un ami de Nétanyahou
Parmi les visiteurs du président, figurait notamment Malcolm Hoenlein, un ami intime du Premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou. Selon le journal Yedioth Ahronoth, celui-ci a déclaré : «Malcolm a rencontré de nombreux dirigeants. J’aimerais entendre ce que les Turcs ont à lui dire. Nous voulons la normalisation avec tous nos voisins mais ça doit aller dans les deux sens».

Tayyip Erdogan, Malcolm Hoenlein et Stephen M. Greenberg, président de la Conférence.

Benjamin Nétanyahou et Malcolm Hoenlein
Le quotidien rapporte également que Hoenlein a confirmé avoir consulté les autorités israéliennes avant la rencontre mais que la délégation n’a pas transmis un message de l’Etat hébreu.
En réalité, la coopération énergétique reste le levier le plus puissant qui plaide en faveur du dégel des relations. Ankara est en froid avec Moscou, qui lui fournit 55% de ses besoins en gaz et Tel Aviv, qui reste maîtresse de l’exploration de l’offshore méditerranéen, veut vendre son gaz via la Turquie. Une aubaine pour cette dernière qui ne veut pas voir passer sous son nez une occasion qui serait immédiatement saisie par la Grèce et Chypre.
Reste à convaincre l’Egypte et l’opinion publique
Jeudi 11 février, Ömer Celik, le porte-parole de l’AKP a indiqué que «les discussions [allaient] dans le bon sens» en prenant soin, cette fois-ci, de dénoncer les conditions déplorables dans lesquelles les Gazaouis étaient condamnés à vivre. «Gaza est une prison à ciel ouvert. Nous condamnons fermement les harcèlements contre la mosquée d’Al Aqsa. Pas une caisse de tomates n’arrive à entrer à Gaza. Il n’y ni eau ni électricité».
Ankara, qui avait érigé la levée du «blocus» de Gaza en critère de rapprochement, demande actuellement une levée de «l’embargo» ce qui faciliterait l’accès de l’aide humanitaire. Une demande dont ne veut pas entendre parler l’Egypte. Le Caire, qui avait fait part de ses réserves à Israël, a été impliquée dans le processus alors même que le président turc nourrit une aversion cordiale contre le «putschiste Sissi» qui avait renversé son ami Mohammed Morsi. Jeudi 11 février, la Conférence des présidents s’est donc rendue au Caire avant de terminer son périple à Jérusalem.

La délégation a rencontré le président égyptien al-Sissi, deux jours après sa visite à Ankara
Sur le plan interne, les conservateurs turcs liés au pouvoir actuel essaient de faire profil bas alors que les plus engagés haussent le ton. Le journal Milli Görüs, qui incarne la ligne dure de l’islam politique, a lancé en manchette, «Ils sont venus donner du ‘courage’», se référant explicitement au prix décerné à Erdogan. «Ce n’est pas de bon augure», a lâché le quotidien qui a exhorté le pouvoir à faire le contraire de ce qu’ils ont dit.