Pétrole. L’accord d’hier entre trois pays de l’OPEP et la Russie est un signe de stabilisation malgré la déception du marché.
Olivier Jakob (CEO de Petromatrix à Zoug): « Le baril n’a aucune raison d’aller plus bas que 20 dollars »
L’Arabie saoudite et la Russie, deux grands producteurs de pétrole, ont décidé hier au terme d’une réunion à Doha avec le Qatar et le Venezuela de geler leur production à son niveau de janvier, a annoncé le ministre qatari de l’Energie. «Afin de stabiliser les marchés pétroliers, les quatre pays ont convenu de geler la production à son niveau de janvier pourvu que les autres grands producteurs fassent de même», a déclaré aux journalistes Mohammed Saleh al-Sada. L’Iran n’entend pas réduire sa production pétrolière, mais «est prêt à la discussion» avec les autres pas producteurs, a déclaré hier le ministre iranien du pétrole en annonçant une réunion aujourd’hui à Téhéran avec ses homologues irakien et vénézuélien.
Interrogé par L’Agefi, Olivier Jakob, CEO de la société de recherche Petromatrix à Zoug, estime que l’Arabie saoudite se trouve dans une position affaiblie. «Le leader fait un geste tout à coup alors qu’il avait toujours déclaré ne rien faire. Cet accord, qui ressemble plus à une recherche d’aide, témoigne surtout du problème potentiel du pays», ajoute Olivier Jakob, qui doute de la véracité des chiffres officiels de ses exportations. Grâce à son travail d’investigation, la société Petromatrix a eu accès à des chiffres d’importateurs, difficiles à réconcilier avec les données de l’Arabie saoudite. «Notre analyse conduit à la conclusion que l’Arabie saoudite n’a pas réussi à vendre autant que l’année précédente, en raison notamment de la compétitivité au sein des pays de l’Opep. Dans le marché, on ne trouve aucune trace de l’augmentation de la production annoncée, ce qui témoigne de la faiblesse du pays», explique le CEO de Petromatrix, pour qui l’Arabie saoudite n’est pas aussi forte que ne le pense le consensus.
Avec cet accord trouvé hier entre trois membres de l’Opep et la Russie, le risque d’éclatement de l’Opep s’éloigne. Devant le danger d’implosion de certains membres du cartel, dont le Vénézuela, l’Arabie saoudite n’est pas prête à prendre le risque de dislocation de l’Opep. Au contraire, elle veut conserver sa zone d’influence dans la région et sur le pétrole mondial, selon le CEO de Petromatrix, qui est d’avis que la Russie représentait l’Iran et l’Irak dans cette réunion hier au Qatar.
Aujourd’hui, avec un baril à 25 dollars, les conséquences négatives ne se limitent plus uniquement à la production américaine (comme c’était le cas avec un baril à 50 dollars impactant à la baisse le taux de forage), mais touchent aussi les membres de l’Opep. Ce qui dépasse de loin l’objectif initial du cartel de forcer les Etats-Unis à réduire leur production. En 2015, cette réduction avait été remplacée par l’augmentation de la production Opep. La stabilisation des prix n’a donc pas pu avoir lieu. L’Irak produisant beaucoup plus que prévu (ce qui devrait se stabiliser en 2016). Aujourd’hui, avec les niveaux de prix très bas, le Venezuela est proche du point de rupture. «Cette réunion exceptionnelle hier au Qatar devrait apporter de la stabilisation graduelle au marché cette année. Sans toutefois renverser la tendance, le deuxième semestre devrait voir un retour du baril autour des 40 à 50 dollars», projette Olivier Jakob, malgré le léger recul du baril hier du à la déception du marché devant le gel et non la baisse de la production Opep.
Les niveaux de stockage très élevés aux Etats-Unis permettront d’éviter la surchauffe des prix dans l’immédiat. Les niveaux de freight ne sont pas très bons, mais sont soutenus par le volume de pétrole brut en circulation.
L’activité sur les marchés des futures est très élevée. Les opérateurs, les spéculateurs et les investisseurs ont des opinions contradictoires sur l’évolution du baril. «Le marché des dérivés est très actif avec une vue qui n’est pas unidirectionnelle. Chacun croit fermement à sa position, à la hausse comme à la baisse et ces vues contradictoires, cumulées à des prix très bas, provoquent une volatilité extrême en terme de pourcentage. Avec un prix de référence à 30 dollars, une variation journalière de 2 à 3 dollars le baril représente une volatilité de 10% chaque jour», confirme le CEO de Petromatrix , qui pense que 25 dollars est le seuil plancher et qui recommande d’acheter des options call sur le pétrole brut.