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photos © REUTERS
Margot Dubuisson
Au moins 142 personnes ont été tuées dimanche dans une série d’attentats spectaculaires revendiqués par les jihadistes de l’Etat islamique (EI, Daesh) dans des zones tenues par le régime en Syrie, alors que Washington continue de pousser pour une trêve en annonçant un accord « provisoire » de cessation des hostilités.
Homs, troisième ville du pays, a été frappée par le plus sanglant attentat du genre sur son sol depuis 2011 avec 59 morts selon une ONG. Plus de 80 autres personnes ont été tuées près d’un sanctuaire chiite au sud de Damas dans une double attaque jihadiste.
C’est dans ce contexte meurtrier et malgré les échecs des précédentes tentatives d’instaurer un cessez-le-feu dans ce pays ravagé par la guerre, que le secrétaire d’Etat John Kerry a annoncé à Amman « un accord provisoire en principe » avec la Russie sur les modalités d’une trêve, qui « pourrait commencer dans les prochains jours ».
La multiplication des protagonistes, les divisions internationales et la montée en puissance des groupes jihadistes Etat islamique (EI) et Front Al-Nosra, ont miné les efforts pour un règlement du conflit qui a fait en près de cinq ans plus de 260.000 morts et poussé à la fuite plus de la moitié de la population.
Revendiquant l’attaque, Daesh a affirmé que deux de ses kamikazes s’étaient fait exploser, menaçant de mener de nouvelles attaques. L’organisation extrémiste n’a pas fait état d’un troisième attentat comme l’ont fait l’OSDH et la télévision d’Etat syrienne.
Un journaliste de l’AFP sur place a vu un amas de voitures calcinées et des débris de verre jonchant le sol dans la zone frappée. Les attentats se sont produits à 400 mètres du mausolée de Sayeda Zeinab, l’une des petites-filles du prophète Mahomet vénérées par les chiites. Selon lui, au moins une soixantaine de magasins et beaucoup de façades d’immeubles ont été dévastés.
Les attentats de Sayeda Zeinab ont été menés quelques heures après une double attaque à la voiture piégée, également revendiquée par l’EI, dans un quartier à majorité alaouite à Homs, faisant 59 morts selon un nouveau bilan de l’OSDH. Les alaouites sont une communauté issue du chiisme et dont est issu le président syrien Bachar al-Assad.
Selon lui, l’EI profite aussi de l’affaiblissement des rebelles dans le nord de la Syrie face à l’armée pour « montrer qu’il est seul capable de frapper le régime dans ses fiefs, ainsi que les chiites et les alaouites ».
La Syrie est un pays à majorité sunnite mais le pouvoir en place depuis plus d’un demi-siècle est aux mains du clan alaouite des Assad. Le pays est ravagé par une guerre sanglante depuis près de cinq ans qui a fait plus de 260.000 morts et jeté plus de la moitié de la population hors de chez elle.
Ailleurs dans le pays, les combats se poursuivent entre les forces du régime et les rebelles très affaiblis, car marginalisés par l’EI et Al-Nosra. D’autres affrontements opposent forces kurdes et jihadistes, ou encore rebelles et jihadistes.
Dans la province stratégique d’Alep (nord), les forces du régime ont réussi à progresser à la faveur d’une offensive lancée le 1er février avec l’appui crucial de l’aviation russe et du Hezbollah libanais. Au moins 50 jihadistes de l’EI ont été tués dans les combats avec l’armée qui avance notamment dans l’est de la province et dans les frappes russes, selon l’OSDH.
Outre la Russie, la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis est aussi impliquée dans le conflit et frappe l’EI depuis 2014. Et depuis une semaine, la Turquie bombarde les forces kurdes syriennes près de sa frontière. Cette situation très complexe rend difficile la mise en application d’un accord qui soit agréé par l’ensemble des protagonistes pour une trêve malgré les efforts de l’ONU et surtout des Etats-Unis.
« Nous sommes parvenus à un accord provisoire en principe sur les termes d’une cessation des hostilités qui pourrait commencer dans les jours qui viennent. »
Secrétaire d’Etat américain
Dimanche à Amman, M. Kerry, se voulant optimiste, a annoncé lors d’une conférence de presse avoir de nouveau parlé au téléphone à son homologue russe Sergueï Lavrov. « Nous sommes parvenus à un accord provisoire en principe sur les termes d’une cessation des hostilités qui pourrait commencer dans les jours qui viennent ». « Ce n’est pas encore fait et je prévois que le président (Barack) Obama et le président (Vladimir) Poutine, pourraient bien se parler dans les prochains jours afin de tenter d’achever ce travail », a-t-il ajouté.
Pourtant Moscou, soutien indéfectible du régime de Bachar al-Assad, a prévenu samedi qu’il continuerait d’aider ce dernier à combattre les « terroristes ». « Nous sommes plus proches aujourd’hui d’un cessez-le-feu », a quand même assuré M. Kerry qui plaide depuis plusieurs jours auprès de Moscou pour la mise en oeuvre d’une trêve avec notamment l’arrêt des frappes russes.
Une trêve censée entrer en vigueur vendredi dernier conformément à un accord international parrainé par Moscou et Washington a été complètement ignorée. Avec le régime jugeant difficile sa mise en application, l’opposition syrienne posant des conditions quasiment irréalisables et les groupes jihadistes hors de contrôle, il est difficile de concevoir un cessez-le-feu.
Le conflit en Syrie, déclenché il y a près de cinq ans par des manifestations pacifiques proréformes rapidement réprimées par le régime, a dégénéré en guerre civile avec son lot de morts, de drames humanitaires et de réfugiés.