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alternance classique, François Fillon, la sécurité dans les transports, modèle économique et social
Interview dans la Voix du Nord 
Après un déjeuner avec Xavier Bertrand au siège de la grande région, l’ancien Premier ministre candidat à la primaire de la droite est attendu à 15 h par Gérald Darmanin à la mairie de Tourcoing, avant une visite sur le terrain sur le thème de la sécurité dans les transports. Il rencontrera aussi son comité de soutien dans la Nord, avant une réunion publique à 19 h, espace Malraux, à La Madeleine.
– Vous venez dans les Hauts-de-France. Dans votre livre « Faire », vous dites vouloir « défaire » ces grandes régions !
« Je conteste l’improvisation qui a conduit à la création de ces régions. Maintenant, elles sont là, elles existent. Mais s’il y a des rejets puissants empêchant leur bon fonctionnement, il faudra en tenir compte. Je veux revenir au rapprochement entre régions et départements, et il sera difficile de le faire dans les régions trop grandes. Je ne dis pas qu’il faudra faire table rase mais voir s’il n’y a pas des ajustements à faire dans cette carte des régions. »
– Que pensez-vous du parcours de Xavier Bertrand ?
« Il a été courageux de se lancer dans une bataille difficile. Je le crois volontiers lorsqu’il dit que cette bataille l’a changé car c’était dans des circonstances politiques exceptionnelles et cela m’intéresse d’en parler avec lui. On a pu avoir des désaccords sur certains sujets mais c’est quelqu’un que je respecte. Il a été un ministre de qualité dans mes gouvernements. Nous avons des relations de confiance. »
– Les centristes ont voté dimanche contre la participation aux primaires. Ils ont été maltraités par Les Républicains ?
« Quand il n’y a pas d’accord, il faut toujours se poser la question de savoir si on a tout fait pour qu’il y en ait un. J’ai entamé des consultations avec les dirigeants de l’UDI depuis des semaines. Ensemble, nous devons dresser les conditions d’un accord car la victoire sera collective. Ce que je sens en sillonnant la France, c’est que les électeurs centristes sont intéressés par mon projet et qu’ils iront voter à la primaire. D’abord parce qu’elle désignera sans doute le prochain président de la République, ensuite parce qu’il y a une volonté de ne pas rééditer le match de 2012. »
– Bruno Le Maire est passé devant vous à la troisième place dans un sondage du week-end. Cela ne vous décourage pas ?
« Les sondages sur les primaires sont fantaisistes et ne changent en rien ma détermination. Dans les baromètres de popularité, je conserve l’estime des Français, loin devant certains de mes concurrents ! Rien n’est figé. Les choses se préciseront en septembre quand les Français sauront qui est candidat, quels sont les programmes et comment est organisée l’élection. »
– Débattre à la télévision avec Nicolas Sarkozy, comment vous l’appréhendez ?
« Nous présenterons chacun notre projet. Le mien sera puissant et précis. Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et moi avons eu la responsabilité des plus hautes fonctions de l’État. Ce n’est pas pour se livrer à une bataille de chiffonniers devant les écrans ! »
– Nicolas Sarkozy a dit qu’on ne se faisait pas élire en promettant comme vous la retraite à 65 ans et la fin des 35 heures !
« Du coup, il promet la fin des 35 heures, mais de façon moins claire que moi, et la retraite à 63 ans ! Ce qui me distingue des autres candidats, c’est la perception de la gravité de la situation du pays. Je ne suis pas candidat pour une alternance droite-gauche classique, mais pour une transformation de notre modèle économique et social. Je pense vraiment que le pays est menacé. Je l’ai dit il y a sept ans. Si la France n’est pas aujourd’hui en cessation de paiement, c’est parce que Mario Draghi et la BCE font marcher la planche à billets. Mais cela ne va pas durer. Je vais d’ailleurs demander au gouvernement de nous dire ce qui se passerait si les taux d’intérêt montaient de trois points. Les conséquences seraient dramatiques… Mon projet politique peut paraître radical, mais c’est le seul qui peut permettre de redresser la situation et d’éviter que le populisme finisse par bousculer complètement l’échiquier politique. »
– Les manifestations contre la loi El Khomri ne montrent-elles pas que la France est irréformable ?
« Non, car on ne pouvait pas plus mal s’y prendre. François Hollande, élu sur un discours de gauche, n’a pas de mandat pour réformer le code du travail. Quant à la manière dont le projet a été annoncé brutalement, sans aucune concertation, on aurait voulu le saboter qu’on ne s’y serait pas pris autrement. Pour réussir cette réforme du code du travail, il faut qu’elle soit rédigée avant les élections, connue des Français pendant la campagne et mis en œuvre dans un délai très court. La réaction des jeunes est minoritaire et elle est relayée par les frondeurs de la gauche. Le leader du mouvement étudiant contre la réforme de l’école que j’avais fait voter en 2005 s’appelle Pouria Amirshahi, il est aujourd’hui député et vient de quitter le PS. L’obsession des jeunes que je rencontre, c’est de trouver du travail, de ne pas galérer pendant quinze ans avant d’accéder à un parcours professionnel stable. Or, c’est la situation aujourd’hui. La situation du chômage des jeunes n’est pas suffisamment prise en compte par les programmes des autres candidats. Je suis le seul à souligner que deux millions de jeunes entre 16 et 25 ans sont aujourd’hui en dehors de l’école, sans formation et sans emploi. C’est pour eux que je veux changer les règles du marché du travail. »
– La loi El Khomri, du moins ce qu’il en reste, vous ne la voterez pas ?
« Non. Au départ, il y avait un équilibre avec quatre ou cinq mesures qui apportaient une amélioration aux entreprises, compensées par quelques mesures en faveur des salariés. Il n’y a plus qu’une seule mesure favorable à la flexibilité, sur les règles du licenciement économique. Et encore, je suis convaincu que le Parlement reviendra dessus ! »
– Que serait le code du travail version François Fillon ?
« J’ai travaillé avec des experts et je suis arrivé à la conclusion qu’il ne faut surtout pas réécrire ce code, mais le prendre tel qu’il existe, conserver les normes sociales fondamentales qu’il contient et renvoyer tous les autres sujets à la négociation au sein des entreprises. »
– Le temps de travail n’est pas pour vous une norme sociale fondamentale ?
« Non. C’est un sujet qui doit être réglé par la négociation majoritaire dans l’entreprise, dans le cadre fixé par l’Europe. Comme il faudra augmenter le temps de travail de la fonction publique à 39 heures, cela deviendra la référence. »
– Votre programme prévoit un référendum. Sur quel sujet ?
« Dans la foulée de la présidentielle et des législatives, en septembre, j’envisage un référendum portant sur trois questions : inscrire l’égalité des régimes sociaux publics et privés dans la constitution ; simplifier l’organisation territoriale avec la fusion régions – départements ; et la diminution du nombre de parlementaires. Cela permet de trancher et de passer des réformes avant que les conservatismes ne puissent s’y opposer. »
– Viendrez-vous à la « jungle » de Calais ?
« Je suis en contact régulier avec Natacha Bouchart. Je sais l’exaspération des Calaisiens. Je n’ai pas estimé nécessaire d’aller me faire photographier devant la jungle. Le problème ne se prête pas aux artifices de communication. Il faut des solutions et des actes. J’irai à Calais comme je vais dans d’autres villes, mais pas tout de suite. »
– Quelles solutions pour sortir de l’impasse ?
« Premièrement, je soutiens le gouvernement dans le démantèlement de la jungle car rien ne justifie une situation indigne d’un pays comme le nôtre et qui pose des problèmes d’ordre public majeurs. Deuxièmement, il faut renforcer les contrôles sur ce territoire pour protéger les habitants. Troisièmement, il faut accepter des conditions d’accueil temporaire qui soient dignes, avec des camps organisés. Et bien sûr, il y a le durcissement des contrôles aux frontières européennes. »
– Êtes-vous comme Xavier Bertrand pour la renégociation des accords du Touquet avec la Grande-Bretagne ?
« On ne peut pas s’en tenir à ces accords qui correspondent à une période où les flux migratoires étaient beaucoup moins importants. Le problème de Calais existe depuis longtemps, mais il est aggravé par les tensions extrêmes au Proche-Orient. Les Anglais ne peuvent pas rester comme ça derrière la Manche, surtout à un moment où ils sont engagés dans un marchandage avec l’Union européenne pour obtenir d’avantage. Nous aussi, on peut exiger plus d’eux ! »