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Philippe Bilger

Il paraît que les avocats parisiens, à commencer par leur bâtonnier, ont été « scandalisés » par l’arrêt de la Cour de cassation du 22 mars qui a validé la procédure en ce qui concerne les écoutes entre Nicolas Sarkozy et son conseil l’excellent Thierry Herzog (Le Monde).

Je suis indigné par leur indignation.

Certes il s’agit de deux avocats – l’un si peu et si particulier et l’autre si rompu et capable – mais tout de même le corporatisme a des limites. La Cour de cassation a rappelé cette évidence, qui confirmait une jurisprudence antérieure, que « les interceptions de communication téléphoniques constituent une ingérence nécessaire, dans une société démocratique, pour lutter contre la délinquance ».

Tout est dit qui rend absurde cette révolte purement clientéliste puisqu’il est acquis que les écoutes en question « préparaient ou constituaient une infraction », cet élément battant en brèche, comme le bon sens, l’équité et le droit l’imposent, le respect du secret professionnel, qui ne peut pas être absolu sauf à créer une caste « d’intouchables ».

Le choquant est que les avocats, dans les joutes judiciaires ou en dehors d’elles, ne cessent de donner des leçons de morale et formuler des injonctions juridiques à l’égard des magistrats. Pas assez d’écoute, pas assez de culture du doute, trop de corporatisme, une adhésion trop timide et frileuse à l’état de droit, des comportements discutables qui, si les avocats étaient à leur place à supposer qu’ils le veuillent, seraient évidemment améliorés !

Les médias, dans ce débat, comme il est classique, n’ont donné la parole qu’à Maître Spinosi qui offrait le grand avantage d’être très critique à l’encontre de cet arrêt qui lui avait donné tort. A aucun moment, on n’a senti au moins une interrogation lucide sur le fait que la Cour de cassation avait validé les conclusions de l’avocat général Cordier qui, lui, n’avait pas la liberté ni le loisir de défendre son point de vue reconnu comme pertinent.

Les avocats n’aiment que leur état de droit. Celui qui, dans les affaires qui les touchent de près, s’adapte à leurs attentes et à leur désir.

Je ne crois pas que ce soit un bon exemple pour le citoyen et pour les élites notamment politiques qui n’ont que trop tendance à confondre leur intérêt avec la seule justice acceptable.

Et mon rapprochement va sans doute en faire hurler certains mais je vois plus qu’un lien incongru entre cette dénonciation parisienne de mauvais aloi – un état de droit en quelque sorte privatisé, dénaturé – et l’agression, par un citoyen inepte, à Bruxelles, de Maître Mary qui assiste Salah Abdeslam. Au nom d’un état de droit authentique et consensuel (Le Figaro).

Chacun a le droit d’être défendu, même après être soupçonné d’avoir commis le pire et peut-être de le revendiquer. Surtout quand l’accusation est forte des crimes odieux perpétrés et d’un fond difficilement plaidable contraignant le conseil à n’user que de la procédure et de ses éventuels pièges.

J’exprime modestement toute ma solidarité à l’égard de Me Mary, en l’occurrence victime de sa belle et si nécessaire charge.

Quant aux modalités qu’il choisira pour défendre son client, elles le regardent.

Les avocats de Paris, s’il leur en prenait l’envie, seraient mal placés pour fustiger la violence faite à leur confrère bruxellois.

La bêtise, le corporatisme et le terrorisme sont internationaux. Mais, si les deux premiers dégradent, le dernier massacre.

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