Un grand nombre de professions d’aujourd’hui n’existeront plus demain ou seront exécutées par des robots.
La quatrième révolution industrielle est en marche. Demain, un grand nombre de professions exercées aujourd’hui n’existeront plus ou seront exécutées par des robots. Les travailleurs devront-ils trouver d’autres manières de subvenir à leurs besoins et se tourner vers d’autres occupations que le travail pour occuper leurs journées? Probablement. C’est d’ailleurs ce que prédisait l’économiste John Maynard Keynes qui, au vu des progrès technologiques, pensait qu’en 2028, le niveau de vie en Europe et aux Etats-Unis aurait tellement augmenté, que travailler trois heures par jour suffirait à le maintenir. S’il a eu raison sur un point, celui de l’augmentation du niveau de vie grâce à la technologie, il s’est trompé sur le temps de travail. Pourquoi? Sans doute parce qu’il n’a pas pris en compte le fait que l’être humain se crée sans cesse de nouveaux besoins. Et surtout, l’homme ne sait pas ne rien faire, dans une société où le travail est un signe d’intégration sociale.
C’est aussi pour cette raison que la quatrième révolution industrielle n’aura peut-être pas les effets escomptés: les machines effectueront sans doute de plus en plus de tâches à la place de l’homme, mais dans le même temps, de nouveaux métiers seront créés, qui garderont les travailleurs en haleine pour encore bien longtemps.
Ce scénario est plausible. L’instauration d’un revenu de base inconditionnel (RBI) pourrait être un grain de sable dans la machine. En Suisse, le peuple est appelé à se prononcer sur ce sujet au mois de juin par le biais d’une initiative, qui demande que chacun reçoive un revenu pour vivre dignement, qu’il travaille ou non (soit 2500 francs pour les adultes et 625 francs pour les enfants). Au contraire de la théorie communiste, qui entendait instaurer le même salaire pour tous, quel que soit le travail effectué, le RBI entend donner le même revenu à tous, que les gens travaillent ou non. Comment cette nouvelle donne va-t-elle modifier notre rapport au travail?
Ce cadeau devrait coûter la bagatelle de 208 milliards de francs, financé par la réaffectation des prestations de sécurité sociale (le RBI remplacerait l’AVS, l’AI, l’assurance-chômage, etc.), par des impôts nettement plus élevés qu’aujourd’hui, par un relèvement de la TVA, et par d’autres sources de financement qui seraient à déterminer. Les initiants pensent que malgré ce système, les gens n’arrêteront pas de travailler, même s’ils ne disposent que d’un faible revenu, et que les employeurs, pour fidéliser les travailleurs dont le salaire est proche du seuil du RBI, les augmenteront massivement. Le contraire est malheureusement plus probable. Les travailleurs avec des bas salaires vont cesser de travailler, les employeurs vont délocaliser certaines de leurs activités à l’étranger pour y profiter de bas coûts ou automatiser encore davantage certains processus. Les personnes avec des salaires plus élevés seront imposées de manière déraisonnable pour pouvoir financer le RBI (les estimations tablent sur une imposition du produit du travail trois fois plus élevée qu’aujourd’hui). Cela créera un fort sentiment d’inégalité entre les actifs et les inactifs, qui poussera les travailleur à travailler moins – voire à arrêter de travailler – ou à quitter la Suisse. Dans cette hypothèse, l’Etat aura de plus en plus de peine à financer le RBI, et le système s’essoufflera de lui-même, après avoir entraîné la ruine de la Suisse.
On peut longtemps débattre des bienfaits ou des méfaits du travail, respectivement de l’oisiveté. Les premières réflexions sur une forme de RBI remontent à 1792, quand Thomas Paine avançait l’idée qu’une démocratie ne peut fonctionner que si ceux qui la composent sont économiquement indépendants. Cette pensée révolutionnait le principe biblique que les hommes doivent travailler à la sueur de leur front pour se procurer de quoi vivre. Cela fait donc bien longtemps que ce débat agite les esprits. S’il est intéressant d’un point de vue philosophique, sa réalisation se heurte à des aspects triviaux. Le RBI est impossible à financer à long terme. C’est aussi simple que cela.
FER Genève