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Nicolette de Joncaire

Quarante huit heures après la publication des Panama Papers, on ne peut que s’étonner du peu d’esprit critique dans l’opinion publique, politique et médiatique.

Une source dont on ne connaît pas l’identité, moins encore les possibles commanditaires, une exposition médiatique mélangeant délinquants et vagues suspects sans présomption d’innocence, un consortium de journalistes qui déclare ne vouloir remettre aucun document aux autorités fiscales ou judiciaires: les Panama Files sont l’exemple même d’une opération qui échappe volontairement aux principes les plus élémentaires du droit.

En approfondissant les circonstances, on apprend – de la Süddeutsche Zeitung elle-même et du directeur du consortium d’investigation (ICIJ) Gerard Ryle – qu’un délateur avait vendu il y a deux ans aux autorités allemandes des informations dérobées à Mossack Fonseca. Après enquête, des banques allemandes ont été condamnées à une amende de 20 millions d’euros. D’autres gouvernements ont acquis à leur tour les données. Jusque-là, la justice a joué son rôle et les coupables ont été sanctionnés. L’effet recherché ensuite est d’un autre ordre. Il s’agit de créer de l’émotion et du scandale.

Dans la droite ligne de Swissleaks, les données dérobées sont cette fois remises directement à la Süddeutsche Zeitung, qui les partage avec l’ICIJ. Lequel à son tour les publie sans les soumettre à la rigueur d’un processus judiciaire dont le défaut majeur semble de vouloir identifier les fraudeurs et blanchisseurs avant de condamner.

Les journalistes du consortium se sont-ils posé la question des problèmes d’une méthode qui, au mépris de toute règle du droit, des Droits de l’homme en particulier, fait passer la charge de la preuve de l’accusateur vers l’accusé? Pourquoi ne pas avoir remis les documents à la justice, tout au moins dans les Etats dits de droit s’ils doutaient des autres?

Les Panama Papers permettront certainement de confondre des délinquants. Cette fin justifie-t-elle pour autant de telles méthodes? Sachant que les auteurs ne seront en rien inquiétés, ni même sérieusement critiqués, peut-on encore parler tout simplement d’Etat de droit?

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