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Par Gaëlle Fleitour
La ministre de la Santé Marisol Touraine veut forcer le laboratoire Servier à plus de transparence dans l’indemnisation des victimes du Mediator. Interrogé par L’Usine Nouvelle, le laboratoire pharmaceutique assure qu’il avait pris les devants et réglé les cas de problèmes de paiement enregistrés l’an dernier.

La ministre de la Santé, Marisol Touraine, vient d’imposer par décret au laboratoire pharmaceutique Servier plus de transparence dans ses offres d’indemnisation des victimes du Mediator. Des lanceurs d’alerte (lire l’encadré) ont accusé l’industriel de faire traîner les dossiers ou de proposer des montants trop bas. C’est le dernier épisode en date de l’affaire Mediator, qui avait éclaté il y a six ans. Ce médicament contre le diabète massivement détourné comme coupe-faim avait été retiré du marché en 2010 en raison de sa dangerosité.
« Les offres d’indemnisation faites par les laboratoires Servier devront désormais respecter des règles strictes, afin d’être transparentes, sans ambigüité et donc plus facilement évaluables par les victimes du Mediator », explique la ministre. Elles devront indiquer le montant accordé pour chaque type de préjudice. Mais aussi préciser explicitement si l’offre ne correspond pas à la proposition de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam), basée sur un avis médical rendu par un collège d’experts indépendants. « Ces cas sont rares », nous assure Servier, qui dit appliquer le barême d’indemnisation de l’Oniam.
Une indemnisation plus lisible pour les victimes
Les anciens patients devraient donc être plus facilement à même de juger si une offre est trop faible. Ils sauront aussi qu’ils peuvent, le cas échéant, demander à l’Oniam de se substituer à Servier, l’Oniam pouvant se retourner dans un second temps contre le laboratoire.
Interrogé par L’Usine Nouvelle, le laboratoire Servier jure, pour sa part, ne pas avoir attendu pour aller vers plus de transparence. « Nous avions, bien avant le projet de décret, renforcé la lisibilité de nos offres pour permettre aux victimes de prendre des décisions en toute connaissance de cause« , nous assure le service juridique du laboratoire. « Bien que la loi ne le prévoie pas, les offres d’indemnisations formulées aux victimes sont adressées chaque semaine à l’Oniam et les données chiffrées concernant l’état des indemnisations sont publiées tous les mois sur notre site internet. » Aux yeux de l’industriel, « le décret ne change donc rien sur le dispositif d’indemnisation en lui-même ».
Le Manifeste qui a mis le feu aux poudres
En septembre dernier, le « Manifeste des 30 », signé par trente personnalités du monde médical et de la société civile à l’appel de la lanceuse d’alerte Irène Frachon, avait appelé la communauté médicale à boycotter le laboratoire pharmaceutique Servier, accusé de ne pas indemniser correctement les victimes du Mediator. Son président, Olivier Laureau, leur avait alors répondu dans une Lettre Ouverte publiée sur le site de l’Usine Nouvelle.
1 886 offres d’indemnisation proposées par Servier
Où en est l’affaire ? A fin mars, 1 886 offres d’indemnisation ont été adressées par Servier. Mais les cas de défaut de paiement enregistrés il y a quelques mois ont-ils été réglés ? Le laboratoire avait pris du retard et contesté la validité de certains dossiers. « Ils sont survenus à un moment où le nombre de dossiers traités a été très important et nous en avons informé chaque victime concernée personnellement. Depuis, nous avons toujours répondu dans les délais légaux de la procédure », affirme aujourd’hui le groupe pharmaceutique. Il dit échanger régulièrement avec l’Oniam « pour éviter toute difficulté et permettre au processus d’aboutir à des indemnisations de manière juste et rapide pour toutes les victimes ».
Des affaires au civil et au pénal
Au total, Servier aurait provisionné 70 millions d’euros pour indemniser la totalité des victimes et leurs caisses d’assurance-maladie. Car l’affaire se poursuit aussi devant la justice. En octobre dernier, le tribunal de grande instance de Nanterre avait rendu une première décision sur la responsabilité civile du groupe pharmaceutique quant à la « défectuosité » de son médicament, le condamnant à réparer les préjudices de deux demandeurs. Servier n’avait pas exclu de faire appel de ce jugement, qui constituait, aux yeux de l’avocate Marie Albertini, interrogée par L’Usine Nouvelle, « une invitation implicite à engager aussi la responsabilité des autorités ».
Sur le plan pénal, le dossier suit son cours avec deux procédures distinctes, à Paris et à Nanterre (Hauts-de-Seine), dans lesquelles l’industriel est accusé de tromperie aggravée. Mais aucun procès n’est encore à l’ordre du jour.