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Bruno Colmant

Le Ministre allemand des finances ne veut plus des mesures monétaires accommodatrices mises en œuvre par la BCE. Ces dernières, qui conduisent à des taux d’intérêt négatifs, ruineraient les épargnants allemands, sous forme directe ou indirecte (au travers du faible rendement de placements à long terme et autres assurances vies). Certaines fluences politiques allemandes exigent même que le prochain Président de la BCE soit allemand, ce qui repose sur le doute de l’indépendance de la BCE.

Faut-il s’étonner de tout ceci ? Aucunement.

Ce sont les allemands qui ont voulu cette politique.

Aujourd’hui, l’euro ne rapporte pas assez. Mais il a coûté fort cher dans le sud, auquel on a imposé des dévaluations internes.

Et, finalement, plus personne n’est content de cette monnaie.

Les erreurs de conception de l’euro apparaissaient désormais avec cruauté. C’est ainsi que la logique des pays du Nord, qui était fondée sur une désinflation compétitive se transforme en déflation récessionnaire. L’euro est devenu une monnaie génétiquement déflationniste. C’est le piège japonais d’une monnaie forte assortie d’un manque d’inflation et d’une croissance.

Le problème est consubstantiel à la formulation de l’euro lui-même. Si tant est qu’un euro regroupant les pays du Nord européen était robuste, il était curieux de s’engager dans un projet politique trop vaste et aux fondements économiques inexistants. Le défaut originel de l’euro est donc d’avoir découlé d’une décision institutionnelle plutôt que d’une adhésion monétaire naturelle auxquelles des économies convergentes souhaitaient s’associer.

Parce que l’espace monétaire est trop large, l’euro ne correspond pas à une zone monétaire optimale, caractérisée par la fluidité des facteurs de production et une spécialisation industrielle ou des services adéquate. Pire, l’euro fut un effet d’aubaine, permettant, dans un premier temps, à l’Allemagne de ne plus devoir réévaluer le Deutsche Mark tandis que les pays du Sud européen virent leurs taux d’intérêt fondre, comme s’ils empruntaient eux-mêmes en Deutsche Marks.

La zone monétaire est trop étendue et ses économies dissemblables, les fondements budgétaires et fiscaux sont absents tandis que les dettes publiques, trop importantes, n’ont pas fait l’objet d’une minime mutualisation, sauf peut-être au travers du rachat d’obligations publiques par la BCE. Les mécanismes de résolutions de crises sont obscurs tandis que l’austérité budgétaire imposée aux pays du Sud (et censée remplacer une dévaluation monétaire) a aggravé les chocs asymétriques, ce qui explique que la différence entre les performances économiques du Nord et du Sud s’est creusée en quinze ans.

Nous n’avons pas le choix de ne pas assurer la cohésion de notre monnaie. Un retour en arrière serait catastrophique.  Mais les chefs d’Etat qui ont mal créé l’euro portent une responsabilité devant l’histoire. En étendant la monnaie trop loin de son centre de gravité naturel, c’est-à-dire l’axe franco- allemand, ils ont pris le risque de faire imploser le dessein européen. En se limitant à en faire un acte politique sans soubassements économiques, ils ont sapé l’ancrage monétaire du projet

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