Alain Juppé : un militaire, ça ferme sa gueule…

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 Lorsque le général Soubelet, convoqué devant la représentation nationale, présente la réalité sécuritaire de notre pays, il fait son devoir.
Georges Michel, Colonel à la retraite

Nicolas Sarkozy n’est jamais aussi bon que lorsqu’il ressemble à Laurent Gerra imitant Nicolas Sarkozy. Alain Juppé, à son tour – il suffisait d’être patient – est en passe d’atteindre cette sorte de consécration – rare, il faut bien le dire, dans le milieu politique. En effet, Alain Juppé imité par Gerra, c’est un peu l’adjudant Flick de Courteline ou le colonel des Bidasses en folie, joué par Dufilho : pète-sec, humour de corps de garde, discours saccadé ponctué de « reçu 5 sur 5 ». Tout ce que n’est pas un adjudant du XXIe siècle. Tout ce que n’est pas non plus Alain Juppé, l’homme du XXe siècle, pour reprendre la dernière élégance de Bruno Le Maire à son égard.

C’est ce que je croyais jusqu’à présent. Jusqu’à ce que je lise les propos tenus hier par Alain Juppé devant les étudiants de Science Po Bordeaux au sujet du général Soubelet. « Un militaire, c’est comme un ministre : ça ferme sa gueule ou ça s’en va. » Il aurait pu ajouter : « Repos, vous pouvez fumer », comme on disait autrefois dans toutes les bonnes casernes de France et de Navarre… Non, il s’est contenté, si j’ose dire, d’ajouter : « Certes, tous les militaires ont le droit de penser, mais il y a quand même des limites à ne pas dépasser. » Une saillie qui, en quelque sorte, fait la synthèse du fameux aphorisme d’Alphonse Allais – « Une fois qu’on a passé les bornes, il n’y a plus de limites » – et de la sentence du maréchal Lyautey – « Quand les talons claquent, les esprits se ferment. » Si les militaires se mettent à penser, on n’est pas sorti des ronces, quoi !

Dans ces colonnes, le 31 mars dernier, j’ai dit ce que je pensais de la sortie du général Soubelet de son devoir de réserve. Et je n’ai pas changé d’avis : un militaire en activité n’a pas à faire état de ses opinions politiques. C’est pourtant ce qu’a fait le général Soubelet en déclarant dans Paris Match : « Je me retrouve même parfois davantage dans les idées de gauche que de droite. Et quand je constate qu’aux dernières élections régionales, six millions de Français ont voté FN, cela me glace le sang. » Mais ce n’est visiblement pas ce qu’Alain Juppé reproche au général Soubelet…

En revanche, lorsque le général Soubelet, convoqué devant la représentation nationale en 2013, présente la réalité sécuritaire de notre pays, il fait son devoir de haut responsable : celui de répondre aux questions des représentants du peuple en donnant son appréciation de situation. Tout simplement en disant la vérité. Fallait-il qu’il mente pour complaire au ministre de l’Intérieur de l’époque ? Est-ce la conception qu’Alain Juppé se fait de la haute fonction publique, civile ou militaire ? Une caste d’eunuques exécutant et disant ce que le sultan veut voir et entendre ? Si c’est le cas, on comprend mieux pourquoi nous en sommes là aujourd’hui. Et ça promet pour l’avenir, si à Dieu ne plaise…

En tout cas, la sortie d’Alain Juppé lâchée dans l’entre-soi de Science Po Bordeaux révèle toute la considération que cet aspirant-chef des armées a pour cette grande institution et les hommes qui la composent. A-t-il voulu « se payer » un général à bon compte devant un auditoire qu’on imagine aux anges ? Ou alors, est-ce une maladresse ? À ce niveau !

Alain Juppé ne veut visiblement voir qu’une tête, comme dans un défilé militaire. Ses futurs ministres – toujours, si à Dieu ne plaise – savent au moins à quoi s’en tenir : certes, ils auront le droit de penser, mais il y a quand même des limites à ne pas dépasser… Repos, vous pouvez fumer.

 

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