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Jean-Frédéric Légaré-Tremblay

Le premier ministre David Cameron, qui est à l’origine de ce référendum, est à la tête du camp du <em>Bremain</em>, mais doit faire face à une opposition farouche d’une partie des Conservateurs.
Photo: Justin Tallis Agence France-Presse Le premier ministre David Cameron, qui est à l’origine de ce référendum, est à la tête du camp du Bremain, mais doit faire face à une opposition farouche d’une partie des Conservateurs.

Le gouvernement britannique tiendra un référendum le 23 juin. La question, en substance : souhaitez-vous que le Royaume-Uni reste dans l’Union européenne (UE) ou en sorte ? Les camps du Brexit et du Bremain s’activent. Les deux ne sont pas très loin l’un de l’autre dans les sondages, mais la vigueur des partisans d’une sortie de l’Union pourrait faire pencher la balance en leur faveur. Portrait d’une campagne qui pourrait bien mener à un précédent historique, celui de la sortie d’un pays membre de l’UE, avec Laurie Beaudonnet, membre du CERIUM et titulaire de la Chaire Jean-Monnet de l’Université de Montréal.

À deux mois du référendum, quelle est la popularité des deux camps au sein de l’opinion publique britannique ?

Historiquement, l’idée d’une sortie de l’UE est redevenue majoritaire dans l’opinion publique au tournant des années 2010, après l’avoir été durant toute l’ère Thatcher [années 1980]. Les Britanniques se sont toujours placés parmi les Européens les plus réservés, et ce, dès leur entrée dans l’Union. Aujourd’hui, seulement 30 % d’entre eux en ont une image positive. L’euroscepticisme est une tendance lourde de l’opinion britannique.Actuellement, les camps du Brexit (sortir de l’UE) et du Bremain (y rester) sont à peu près de force égale, avec une légère avance du second. Les indécis représentent entre 10 et 15 % des citoyens britanniques, ce qui veut dire que la tendance peut très bien s’inverser si les arguments pour la sortie se font plus percutants auprès d’eux. D’autant que les référendums en général et ceux portant sur l’intégration européenne en particulier sont toujours des instruments politiques compliqués aux enjeux multiples et à l’issue rarement prévisible.
Comment se positionnent les différents partis représentés à Westminster dans ce débat ?

C’est là toute la complexité de la situation. L’élite politique est très divisée sur la question, à commencer par les conservateurs de David Cameron. Le premier ministre, qui est à l’origine de ce référendum — c’était une promesse électorale en 2013 —, est à la tête du camp du Bremain, mais doit faire face à une opposition farouche?d’une?partie?des conservateurs, donc certains sont membres de son cabinet et d’autres sont dans des positions très influentes, tel Boris Johnson, le maire de Londres.Les travaillistes sont pour un maintien dans l’Union, mais leur leader, Jeremy Corbyn, est très critique envers elle et vient seulement de prendre parti en faveur du Bremain. Chef de file de l’opposition, il se refuse également à faire campagne aux côtés de David Cameron.

Les libéraux démocrates, eux, forts de leur engagement proeuropéen, se sont engagés beaucoup plus ouvertement dans la campagne pour le Bremain, mais ils ont été très affaiblis par leur défaite aux législatives de mai 2015.Les partisans d’un Brexit forment eux aussi une constellation hétéroclite. Composée principalement d’une partie des conservateurs, elle inclut aussi le parti indépendantiste anti-UE UKIP, qui n’est pas un allié naturel des tories, mais qui a le vent en poupe depuis plusieurs années.

Avec le référendum, Cameron espérait calmer les « Brexiters » au sein de son parti tout en obtenant des réformes de l’UE, mais il mise avant tout sur la victoire du Bremain. Est-il en train de perdre son pari ?

La stratégie de David Cameron peut effectivement sembler très risquée étant donné qu’il n’a jamais été pour le Brexit. La promesse du référendum était un signal fort envoyé à l’aile eurosceptique des conservateurs et une tentative d’endiguer la montée de l’UKIP, arrivé deuxième aux élections européennes de 2009 et premier en 2014.Compte tenu de la visibilité et de l’ardeur du camp du Brexit, du penchant globalement eurosceptique des médias dans le pays et de la popularité en baisse du gouvernement — David Cameron vient d’être touché par l’affaire des Panama Papers et son gouvernement est affaibli par de récentes démissions —, cette initiative dictée par des visées électoralistes pourrait très bien se retourner contre lui et se transformer en précèdent historique. Aucun pays n’est en effet jamais sorti de l’UE.

Si tel devait être le cas, et que le Royaume-Uni engageait des négociations pour sortir de l’UE, la démission de David Cameron ne serait pas automatique, mais il serait fortement affaibli, d’autant que les partisans les plus fervents du Brexit, tels Boris Johnson ou Nigel?Farage,?leader?de l’UKIP, ont des visées politiques nationales évidentes.