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La dernière grande réforme du mandat de Hollande se jouera à «pile ou face»

Christian Rioux
Les manifestants se sont de nouveau réunis mardi à la place de la République, à Paris, pour dénoncer la réforme du Code du travail.
Photo: Philippe Lopez Agence France-Presse Les manifestants se sont de nouveau réunis mardi à la place de la République, à Paris, pour dénoncer la réforme du Code du travail.

À l’heure où, après deux mois de débat et de manifestations, la réforme du Code du travail a enfin été soumise au Parlement ce mardi, le gouvernement français apparaît une fois de plus au bord de la paralysie. Un décompte rapide laisse en effet penser que, en l’état actuel, il manque toujours une quarantaine de votes à la majorité pour faire adopter sa réforme controversée.

Après l’échec de la réforme constitutionnelle sur la déchéance de nationalité, ce serait la deuxième fois en quelques mois à peine que le gouvernement ne trouverait pas de majorité pour gouverner le pays. Nul ne saurait dire dans quel état le projet de loi — qui vise notamment à assouplir les conditions de licenciement — sortira des deux semaines de débat parlementaire qui s’amorcent. La partie s’annonce plus que difficile pour le gouvernement puisque 5000 amendements ont été soumis, soit autant que lors de la discussion du projet de loi controversé sur la réforme ouvrant le mariage aux couples homosexuels.Pour sauver la face, François Hollande pourrait se trouver dans l’obligation de faire adopter sa loi par une procédure expéditive surnommée le 49-3. Après avoir brandi cette menace, le gouvernement tente aujourd’hui de calmer le jeu. Il y a un an à peine, c’est ainsi qu’il avait fait voter la loi Macron visant à libéraliser plusieurs secteurs de l’économie. Mais, alors que les troupes commencent à se mettre en place pour la présidentielle, une récidive serait un grave aveu d’échec.

Il manque 40 voix« C’est un texte qui a tellement heurté la majorité que tout peut arriver », a déclaré la présidente socialiste de la Commission des affaires sociales, Catherine Lemorton, dans le quotidien L’Opinion. Certes, l’explosion de colère qu’avait suscitée la première mouture du projet de loi il y a deux mois et demi s’est en partie calmée. Mais ce n’est que pour mieux mécontenter la droite et continuer à susciter l’opposition de l’extrême gauche. « François Hollande a lâché un nouvel amendement après chaque manifestation. Tous les points forts de la réforme sont partis en fumée. Et je ne connais pas un député de gauche satisfait du texte », a déclaré le député des Républicains, Christian Jacob (LR).

Alors qu’à droite, on estime qu’il faudrait revenir au texte d’origine, qui faisait même sauter la durée maximum hebdomadaire de travail, les frondeurs socialistes, le Parti communiste et les verts se refusent toujours à voter la loi. « Il manque près de 40 voix pour obtenir une majorité », a admis le rapporteur du texte, le député socialiste Christophe Sirugue. Comme pour la réforme constitutionnelle, c’est au sein de la gauche que le débat fait rage. À la gauche de la gauche, on réclame qu’une entreprise multinationale ne puisse pas licencier si ailleurs dans le monde ses filiales n’éprouvent pas de difficultés économiques. D’autres s’opposent aussi à ce que les règles de licenciement soient assouplies pour les PME, qui sont celles qui souffrent le plus de la difficulté de licencier. Enfin, certains députés refusent que des accords locaux ou sectoriels puissent prévaloir sur les règles nationales et que les employés puissent de plus accepter de rogner leurs conditions de travail afin de permettre à une entreprise de conquérir de nouveaux marchés.Majorité incontrôlable

Depuis la fronde qui avait poussé 119 socialistes à s’opposer à la déchéance de nationalité, la majorité gouvernementale semble de plus en plus incontrôlable. Depuis deux mois, la jeune ministre du Travail qui parraine le texte, Miriam El Khomri, marche sur des oeufs. À un an de la présidentielle, on soupçonne certains opposants de vouloir affaiblir le gouvernement afin de voir émerger une autre candidature que celle de François Hollande ou provoquer une primaire à gauche.Selon l’institut COE-Rexecode, proche du patronat, la nouvelle loi pourrait créer « au moins 50 000 emplois et vraisemblablement nettement plus ». Mais l’institut précise qu’une majoration des taxes imposées aux contrats courts risque de réduire ce chiffre. Cette surtaxe avait été annoncée par le premier ministre Manuel Valls pour calmer les manifestations étudiantes des dernières semaines. À cause des casseurs, ces dernières se sont récemment terminées dans la violence.

Plusieurs députés n’hésitent pas à parler d’un vote à « pile ou face » tant la majorité gouvernementale semble incertaine. Le texte qui risque d’être la dernière grande réforme du quinquennat de François Hollande devrait être soumis au vote le 17 mai.