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Frayeur sur le Golfe© D.R.

D’un coup d’un seul, elle devrait devenir la plus grosse capitalisation du monde – 2 000 milliards de dollars, dit-on -, reléguant Google ou Apple au rang de nains prétentieux. La compagnie pétrolière nationale saoudienne Aramco pourrait bientôt entrer en Bourse, si l’on en croit les annonces de l’Arabie saoudite. Un événement pour ce pays depuis la nationalisation de sa compagnie pétrolière, en 1980. C’est l’aspect le plus spectaculaire de la transformation radicale qu’entend conduire le royaume selon le tout nouveau plan « Vision 2030 », approuvé par le pouvoir et porté par Mohammed ben Salmane. À 30 ans, le vice-prince héritier, également vice-Premier ministre et ministre de la Défense, est un véritable bambin en keffieh au sein d’une gérontocratie. Servi par une communication soigneusement calibrée, il s’est illustré en engageant son pays dans la guerre au Yémen. Désormais, c’est sur le front économique qu’il veut porter le fer, avec ce projet de transformation de son pays et la volonté affichée de le désintoxiquer des hydrocarbures. Les milliards de dollars tirés de la cession de 5% d’Aramco devraient servir notamment à abonder un fonds souverain de 2 000 milliards de dollars voués à diversifier l’économie du royaume.

Mais, davantage qu’une saine et mûre réflexion sur l’après-pétrole, du type de celles conduites en Norvège et au Canada, ce mouvement brusque témoigne de la frayeur qui s’est emparée de l’Arabie saoudite et de la plupart des pays arabes de la région réunis au sein du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Gorgés d’or noir – 30% des réserves mondiales de brut environ pour le CCG –, ceux-ci avaient pris la mauvaise habitude de voir le monde à leurs pieds. Attisé par le pétrole de schiste américain et le ralentissement de la croissance chinoise, le contre-choc pétrolier change la donne du tout au tout. Bien que nul ne sache si ce mouvement est durable, les rois du désert sont nus.

À cela s’ajoute ce qui est vu comme un danger mortel à Ryiad : le retour de l’Iran sur la scène internationale. Pour l’Arabie saoudite, il ne s’agit pas d’un simple mauvais moment à passer. À la différence de ses voisins comme le Qatar ou Dubaï, qui ne sont que de riches confettis, l’Arabie saoudite est un pays peuplé de 31 millions d’habitants (40 millions avant 2030). Selon certaines sources, 30% de sa population serait déjà au chômage. Dans une région explosive, c’est donc de stabilité sociale, voire du péril d’un djihadisme intérieur, qu’il est question au pays des Saoud. Mais pour transformer l’économie de ce royaume sans véritable secteur privé et où la concurrence et la transparence restent des concepts abstraits, un plan séduisant concocté par des consultants internationaux ne sera pas suffisant.

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