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François Hollande est rejeté par l’opinion publique comme Nicolas Sarkozy avant lui. Leur action est bien sûr en cause. Mais c’est surtout leur inaction qui les plombe. La faute d’abord à leur absence de vision.

Et pourtant… le quinquennat actuel risque de s’achever comme le précédent : sur un rejet massif du chef de l’Etat. Les cotes de confiance du baromètre TNS Sofres tracent des courbes parallèles. D’abord la désillusion, les défiants vis-à-vis du locataire de l’Elysée devenant plus nombreux que les confiants dès la première année du mandat. Puis le fossé de la défiance devient abyssal. Les analystes tatillons relèveront des différences. Au bout de quatre ans, Hollande n’inspire plus confiance qu’à 15 % des Français, contre 23 % pour Sarkozy. Les puristes souligneront que le profond rejet subi par l’un et l’autre n’est pas de même nature. Les Français étaient exaspérés par le président bling-bling, alors qu’ils deviennent indifférents voire méprisants vis-à-vis du président qui se voulait normal.

Mais la mécanique du rejet est la même. Des esprits perfides ont trouvé un excellent moyen de montrer la répétition : ils sont allés chercher les gazouillis émis par le candidat Hollande à propos du président Sarkozy sur le réseau social Twitter en 2012. Aujourd’hui, ces commentaires cruels semblent s’appliquer parfaitement… à son cas. « Les bonnes idées, il faut les avoir en début de mandat, pas à la fin. » (6 mars.) « Un candidat sortant ne peut pas avoir la force qu’aura un nouveau président ! » (14 mars.) « Ce serait trop simple de penser que le candidat sortant n’est coupable de rien, alors qu’il est responsable de tout. » (28 mars.) « Imaginez-vous cinq ans de plus avec le même ? » (23 avril.)

Ce rapprochement ne relève pas du hasard. Les deux présidents ont terriblement déçu. Cette déception vient d’abord de leur action. En économie, leurs échecs sont patents. Les deux sont partis dans leur mandat à contretemps. Nicolas Sarkozy a commencé par défiscaliser les heures supplémentaires, une mesure qui aurait pu porter ses fruits dans une économie s’approchant du plein-emploi, mais inutile et coûteuse à l’approche d’une récession. François Hollande, lui, a donné un coup de matraque fiscale qui a assommé la demande. Les deux présidents ont aussi fini par faire l’inverse de ce qu’ils ont fait au début : Sarkozy a dû se résoudre à relever les impôts, tandis qu’Hollande veut désormais les baisser. Aucun n’a agi en profondeur sur la dépense publique au-delà des coups de rabot de plus en plus douloureux. L’un et l’autre ont entrepris de nombreuses réformettes, mais aucune grande réforme comparable à ce qui a pu être fait par exemple en Allemagne, en Italie ou en Espagne. Ils ont été impuissants à changer le pays en profondeur. Leur inaction, plus que leur action, provoque le rejet du peuple. Cette impuissance a deux racines. La première vient de la mécanique des institutions. Le pouvoir à deux têtes, président et Premier ministre, fonctionne mal. La meilleure preuve en est que, passés les débuts de la Ve République, la France n’a jamais tant changé depuis les périodes de cohabitation, quand le président devient passif. Et si le scrutin majoritaire à deux tours a fabriqué jusqu’à présent des majorités claires, il a aussi forgé des postures. Impossible dans ce système de faire évoluer les esprits, de former des coalitions ouvertes, de transcender les oppositions.

La seconde racine de l’impuissance des présidents est plus profonde. C’est leur absence de vision. Au sens premier du terme : Nicolas Sarkozy comme François Hollande refusent de voir la réalité. Lors de la campagne de 2012, ils tablaient tous deux sur le retour rapide à une croissance de plus de 2 % l’an, qui déverserait des milliards d’euros sur le pays. Et aussi dans le sens abstrait : ni l’un ni l’autre ne donnent l’impression d’avoir une vision de l’avenir du pays, au-delà de leur promesse de « rupture » (Sarkozy 2007) ou de « changement maintenant » (Hollande 2012). Comme l’avoue le Premier ministre Manuel Valls dans un euphémisme livré au magazine « Society » : « Pendant ses dix ans d’opposition, la gauche s’est mal préparée à l’exercice du pouvoir. » La droite n’a guère fait mieux. Pour composer son programme de 2007, Nicolas Sarkozy s’était contenté d’attraper des idées qui flottaient dans l’air. Or il en va ici d’un Etat comme d’une entreprise : le chef a plus de chances de réussir s’il sait où il veut aller – et comment y aller. Reste à savoir si l’impuissance vient des hasards qui ont amené Sarkozy puis Hollande à l’Elysée, ou du mode de sélection des dirigeants, ou de la volonté profonde du peuple. A voir les candidats qui émergent pour l’élection de 2017, rien ne laisse espérer que le prochain quinquennat échappera à cette malédiction.

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