Étiquettes

, , , , , ,

Philippe Bilger

 

Qu’on m’excuse, mais je trouve presque ridicule la confession de l’ancienne ministre Monique Pelletier sur sa mésaventure avec un homme politique, trente-cinq ans après un baiser de force !

Elle est venue glisser son témoignage dans une atmosphère très surréaliste depuis quelques jours. Un mélange d’absurdité politique et d’indécence humaine. Avec le 49-3 à l’Assemblée nationale et ce qu’on nomme l’affaire Denis Baupin dans la mouvance écologiste même si celui-ci et son épouse Emmanuelle Cosse ont officiellement quitté EELV.

Sur la mise en oeuvre du 49-3, il n’est même pas nécessaire de rappeler que François Hollande, en 2006, l’avait qualifiée de « déni de démocratie ». Il avait raison mais le fait qu’il trahisse aujourd’hui sa dénonciation d’hier est trop fréquent pour appeler autre chose qu’un soupir accablé. Il n’en demeure pas moins que de la part de ce gouvernement avec un affichage si volontiers moral et républicain dans les postures et les leçons qu’il donne, il s’agit en effet au moins d’un déni parlementaire et sûrement d’une défaite démocratique. En plus pour un mauvais texte à force d’avoir été raboté pour le pire. Des cris.

Et des corps.

Pour Denis Baupin, il convient d’abord de ne pas oublier que malgré les plaintes et les dénonciations, celui-ci conteste avoir eu le comportement qui lui est imputé et a décidé d’assigner Mediapart et France Inter à l’origine des révélations. Il est présumé innocent et ce n’est pas une clause de style.

J’ajoute qu’au milieu de cet orage qui ne peut qu’affecter leur vie conjugale, Emmanuelle Cosse a adopté une attitude très digne puisqu’elle a déclaré seulement que la justice était saisie d’une enquête.
Images

Il n’empêche que des épisodes insignifiants, dérisoires ou gravissimes ont mis de plus en plus en évidence les dérives de certains politiques dans le domaine de la sexualité. On ne peut que mentionner DSK même s’il s’agit, heureusement pour lui, d’histoires anciennes ou Michel Sapin qui admet avoir eu un geste « inapproprié » (lefigaro.fr). Pour peu que Denis Baupin soit justement incriminé, il aurait été l’auteur d’agressions sexuelles ou de SMS indélicats, lourds, grossiers et insistants.

Maintenant on ne cesse de féliciter ces victimes qui ont eu le courage, après un long délai, de briser « la culture de l’omerta » et ce n’est sans doute pas un hasard si en effet le milieu écologiste a été le plus propice à cette transparence parce qu’il était le plus sensible au respect de la parité avec les conséquences positives ou plus rarement négatives, qu’elle a induites (Le Monde).

Les médias, me semble-t-il, devraient battre leur coulpe puisque ils ont été longtemps, avec les politiques, les auxiliaires de cette culture de l’omerta, à cause de leur connivence avec un monde dont ils avaient besoin et qui les incitait donc à se taire par réalisme professionnel ou aussi parce qu’ils participaient de cette approche souriante et cynique qui minimisait les indélicatesses viriles.

Difficile d’échapper aux poncifs quand on tente d’analyser, dans l’univers politique, l’hypertrophie de postures qui semblent infiniment plus nombreuses que dans la quotidienneté ordinaire.

Même si dans tous les espaces professionnels, les relations de pouvoir engendrent quelquefois des attitudes profitant de la dépendance de femmes sollicitées, en glissant de la galanterie légère jusqu’à l’arrogance et à la contrainte les plus insupportables.

Ce qui paraît constituer une particularité des structures partisanes dans leur fonctionnement tient non seulement à la commission de gestes ou de propos vulgaires ou, pire, à l’extrémisme odieux de libertés forcées et de dépendances exploitées mais à la certitude de leur impunité de la part des auteurs.

Comme s’ils se savaient protégés par ce qu’ils étaient et leur statut mais qu’ils devinaient, malgré les apparences, une complicité, une familiarité telles avec leurs victimes qu’ils n’éprouvaient aucune crainte d’aucune sorte. Comme si ces dernières, malgré ce qu’elles subissaient, étaient autant qu’eux persuadés de la spécificité des liens politiques et des obligations de silence et d’étouffement qu’elle imposerait.

Tout de même il serait injuste, absurde de concevoir comme une fatalité des transgressions compulsives à la DSK ou, si le futur l’établit, les indécences répétitives à la Baupin.
Dominique-Strauss-Kahn-DSK

Il y a une multitude de personnalités qui, même avec les facilités de ce monde de puissance et des rapports de force, n’ont jamais dévié d’une conduite respectable et respectueuse du sexe féminin. Il y a donc, à mon sens, de la part de ceux qui ont transgressé cette rectitude, quelque chose qui tient à leur nature, à leur caractère, à leur manière d’être au monde. Probablement un défaut de politesse, de savoir-vivre, une désinvolture dans le lien avec autrui, une indifférence à l’égard des blessures et des offenses trop volontiers reliées à une prétendue normalité virile.

Je ne voudrais pas que toute la classe politique fût visée par un opprobre qui ne concerne que quelques-uns qui seront de moins en moins à l’abri.

Même si le risque d’un puritanisme intégriste n’est pas vraiment accordé à l’humeur de jour et de la période, on a le droit, même si Aurélie Filippetti qualifie cet argument de mauvaise foi, de se battre pour que ne soit pas confondue la grâce de relations aimablement galantes et séductrices entre les sexes avec un sexisme dégradant (France Inter).

Mais ma conclusion souhaiterait s’attacher à l’exemplarité et à l’allure.

Je ne surestime pas la portée du geste de Michel Sapin mais je suis effaré – c’est encore plus vrai pour les attitudes infiniment plus choquantes, coupables – que les responsabilités les plus importantes, les charges les plus élevées, impliquant une dignité à leur hauteur, ne constituent pas un barrage pour les tentations banalement viriles, les postures vulgairement et trop souvent pratiquées.

Un président de la République va casqué rue du Cirque et d’autres politiques s’abandonnent.

L’honneur des fonctions, pourtant, devrait dissuader de ce que les femmes osent enfin dénoncer aujourd’hui.

http://www.philippebilger.com/blog/