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Trois mois après sa démission, l’ex-garde des Sceaux a renoué avec Hollande, et veut peser sur la campagne de 2017.

« À Londres, ils ont leur maire musulman et nous, on aura bientôt notre première présidente noire : Christiane présidente ! » hurle Mona, une Antillaise. Mardi matin, dans les jardins du Luxembourg à Paris, la vraie star du 10 mai, journée de commémoration de l’abolition de l’esclavage, ce n’est pas François Hollande.
Mais bel et bien Christiane Taubira, que le président courtise en vue de sa propre candidature à l’élection présidentielle.
Le chef de l’Etat n’a donc pas oublié de saluer le travail de son ex-ministre, qui a donné son nom, en mai 2001, à une loi reconnaissant l’esclavage comme crime contre l’humanité. Avant de quitter l’estrade, bras dessus bras dessous, avec l’ancienne garde des Sceaux. « Oui, elle me manque, mais je sais que là où elle est, elle est toujours la même », confiera un peu plus tard Hollande à Public Sénat. Plus de trois mois après sa démission fracassante pour cause d’opposition à la déchéance de nationalité, le président cherche à garder Taubira dans ses filets.
« Elle est très sollicitée, notamment par l’Elysée », confie un de ses amis. Ça passe même par… des poèmes ! Le 2 février, pour l’anniversaire de Taubira, le conseiller spécial du président, Bernard Poignant, lui a ainsi adressé ces vers qu’en 1824 Victor Hugo écrivait sur Chateaubriand renvoyé à l’époque du ministère des Affaires étrangères :
« A ton tour soutenue par la France unanime
Laisse donc s’accomplir ton destin magnanime
Chacun de tes revers pour ta gloire est compté
Quand le sort t’a frappé, tu lui dois rendre grâce
Toi qu’on voit à chaque disgrâce
Tomber plus haut que tu n’étais monté».
« C’est mon plus beau cadeau, je ne l’oublierai pas ! » lui a répondu l’ex-garde des Sceaux.
Pas question d’être tenue par le devoir de réserve
Au palais, Vincent Feltesse, conseiller politique du président, garde aussi le contact. Et récemment, Hollande lui-même a franchi un palier pour garder Taubira dans son giron : ainsi a-t-il pensé à cette femme de lettres pour la présidence de la Bibliothèque nationale de France (BNF). Mais l’ex-ministre a écarté la proposition : pas question d’être tenue par le devoir de réserve…
Le patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a aussi essayé de la recruter en avril dans sa Belle Alliance populaire, une coalition pour mettre sur orbite la candidature de Hollande. En vain. Car son ralliement ne sera pas mécanique… Taubira avoue regarder Nuit debout « avec tendresse », discuter avec les frondeurs du PS et prendre ses distances avec la loi El Khomri, par exemple. « Il faut que la justice sociale prévale », confiait-elle ainsi hier en marge de la cérémonie.
Taubira entend peser dans la campagne de 2017, notamment pour mobiliser la jeunesse face au FN. D’ici là, entre des conférences sur la lutte contre le djihadisme et des séances de dédicaces en série, elle compte entretenir son aura. Selon son éditeur, Philippe Rey, 140 000 exemplaires de son livre « Murmures à la jeunesse » auraient déjà été vendus. Et un de ses proches de jurer : « La tentation de Cayenne n’existe pas chez elle. »