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Juppé et Fillon, même programme économique ? Pas pour le Sarthois, qui relève la « prudence » de son adversaire à la primaire. Entretien.
Propos recueillis par Emmanuel Berretta

Le Point : Alain Juppé a dévoilé son programme économique. N’avez-vous pas le sentiment d’un copier-coller général avec le vôtre ?
François Fillon : Ce n’est un copier-coller qu’en apparence. Mais en vérité, Alain Juppé ne va pas aussi loin et ne modifie pas en profondeur son approche des problèmes. Par exemple, sur le temps de travail. Faute d’accord d’entreprise, il propose de passer aux 39 heures hebdomadaires. Donc l’État continue de fixer la durée du travail. Je propose au contraire de supprimer toute fixation étatique d’une durée du travail autre que les limites européennes. La négociation des entreprises ne sera pas encadrée par l’État. Cela signifie que d’une entreprise à l’autre, en fonction des efforts qu’elles ont besoin de faire selon leur situation, dans l’une on sera à 39 heures payées 37, dans une autre 39 heures payées 39, ou encore 38 heures, etc. Alain Juppé reste dans une logique étatique. Il introduit un peu de liberté, mais conserve un garde-fou. Je constate par ailleurs qu’il ne dit rien sur la durée du travail chez les fonctionnaires, là où je propose de relever à 39 heures la durée du travail dans les 3 fonctions publiques.
Tout de même, il relève l’âge de la retraite à 65 ans, encadre la rupture du CDI… Comment qualifiez-vous ce programme ?
Le programme d’Alain Juppé est assez conservateur. Il dit lui-même qu’il veut préserver le modèle social français. Pour moi, il n’y a ni social ni modèle quand on défend un système qui génère chômage et précarité. Sans compter que ce fameux modèle social n’est pas financé. Ce qui me frappe dans le programme de Juppé, ce sont surtout les manques. Il ne dit rien sur l’apprentissage, rien sur le paritarisme, rien sur les nouveaux statuts des indépendants pour répondre à l’ubérisation.
Alain Juppé demeure quand même dans la prudence. J’entends bien qu’il se moque un peu de moi quand il dit qu’il ne veut pas « casser la baraque ». Je comprends son raisonnement, mais avec la politique de Juppé, le pays ne se redressera pas. Il améliorerait un peu la situation des entreprises, mais, pour respecter les grands équilibres, il concédera ensuite une chose qui viendra annuler le bénéfice de sa réforme.
Sur la fiscalité, il supprime l’ISF et réduit l’impôt sur les sociétés à 30 %. Il assume un changement de philosophie vis-à-vis de la fiscalité du capital. Ce n’est pas rien, non ?
Oui, il supprime l’ISF. Il a dû se dire qu’il n’était pas possible de se présenter à la primaire sans cette mesure, mais au fond de lui, en est-il convaincu ? Il ne va pas aussi loin que moi sur la fiscalité du capital. Pour ma part, j’instaurerai une « flat tax » à 30 % (impôt à taux unique ou impôt proportionnel, NDLR)sur tous les revenus du capital.
Et vous supprimerez aussi les niches fiscales, comme la niche Copé ?
Oui, il faut établir une règle simple : la flat tax à 30 % sur tous les revenus du capital supprimera au passage toutes les niches fiscales, y compris la niche Copé. Si on ne fait pas ça, on laisse les fonds de pension américains et le Qatar s’emparer de nos actifs, ce qui n’est pas souhaitable. Avec la flax tax à 30 %, on se récupère sur 5 ans comme le montre l’étude Rexecode sur laquelle je m’appuie. Certes, au début, les recettes fiscales diminuent, mais au bout de 5 ans, la base taxable étant plus large, on y gagne.