Cincinnatus est un général romain redresseur de la république. Avec Obama, c’est l’autre inspiration d’Arnaud Montebourg. L’ex-ministre de l’Economie va-t-il se déclarer lundi lors de son rendez-vous annuel?

Le retour d’Arnaud Montebourg (53 ans) est imminent. «Tout ce qu’il a fait depuis qu’il a quitté le gouvernement a un fil conducteur: son retour pour se présenter à la présidentielle», estime le journaliste Antonio Rodriguez qui suit le parcours de l’ex-ministre de l’Economie. Image: Keystone
«Je prendrai mes responsabilités!» C’est l’affirmation à retenir de l’interview d’Arnaud Montebourg (53 ans) dimanche dernier sur France2. De toute évidence, l’ex-ministre de l’Economie avance vers une candidature en 2017. Le deuxième acte de son retour en politique se joue lundi de Pentecôte. Avec ses fidèles, Arnaud Montebourg se lancera dans l’ascension du Mont Beuvray. Une promenade politique comme l’affectionnait François Mitterrand à la Roche de Solutré.
Deux ans après avoir quitté le gouvernement avec fracas, Arnaud Montebourg est de retour. La gauche gouvernementale apparaît plus fragile que jamais avec les frondeurs (dont sa compagne l’ex-ministre Aurélie Filippetti) qui ont manqué de deux voix une motion de censure pour renverser leur propre exécutif socialiste. Avec un François Hollande a nouveau au plus bas dans les sondages. Un Manuel Valls en mode guérilla contre l’ambitieux Emmanuel Macron… Arnaud Montebourg, en Cincinnatus de la république française, va abattre sa carte. Tout comme le général romain (Ve siècle avant JC), Arnaud Montebourg veut être ce recours pour un «système politique en train de s’effondrer sous la méfiance des Français».
Journaliste économique à l’AFP, Antonio Rodriguez a suivi le parcours d’Arnaud Montebourg. Il vient de publier l’Alternative Arnaud Montebourg (Editions Cherche Midi). Interview.
Pour Arnaud Montebourg, un retour à la politique peut-il passer par autre chose que la présidentielle?
Il est prêt. Tout ce qu’il a fait depuis qu’il a quitté le gouvernement a un fil conducteur: son retour pour se présenter à la présidentielle. Mon livre reconstitue le puzzle Montebourg. Je conclus qu’il a la dernière pièce en main qu’il la posera quand il jugera le moment venu. Il songe à son retour depuis le jour même de son départ. Ce jour-là, il a évoqué la figure de Cincinnatus. Le Général romain que les tribuns de Rome viennent chercher pour redresser le pays alors qu’il est en train de labourer.
Cincinnatus: c’est donc un destin national auquel il ambitionne et rien d’autre?
Il y a trois dimensions dans le discours de Montebourg. Tout d’abord, le «made in France» mis en exergue durant son ministère. C’est son héritage. C’est son bilan et il le défend. Deuzio: la lutte contre l’austérité. Il y a là l’embryon de son programme politique. Tertio, il y a son parcours dans le monde de l’entreprise. C’est original pour un politicien français. Il a renoncé à la politique professionnelle pour gagner sa vie en tant qu’entrepreneur. C’est un homme libre. Il échappe aux pressions politiques que subissent les frondeurs. La cohérence entre ses trois dimensions? Sa volonté de préparer la présidentielle. Il n’y a que l’Elysée qui l’intéresse. Il l’avait déjà dit quand il était ministre.
En quoi n’est-il pas un candidat comme un autre à gauche?
C’est un cas particulier. D’abord, il se présente comme un Gaulliste social. En France, se dire Gaulliste, c’est se dire au-dessus des partis. C’est aussi une manière de se distinguer de son successeur, Emmanuel Macron, qui s’affiche comme «ni de gauche ni de droite». Et, en effet, il n’est pas borné politiquement. Etant donné l’état des gauches en France, il pense avoir un rôle à jouer pour rassembler les déçus de Hollande, mais il veut ratisser plus large que Mélenchon.
Va-t-il se déclarer lundi à Beuvray?
Au Mont Beuvray, l’opération Cincinnatus se mettra en marche! Vu la situation de cette semaine – le recours au 49.3 du gouvernement – ses partisans vont lui demander de revenir lors de ce rendez-vous en pleine campagne. Il ne manquera que la charrue! Il est toutefois peu probable qu’il se déclare candidat. Mais il ira probablement plus loin que prévu initialement. Il faut s’attendre à ce qu’il monte en puissance – après l’interview sur France2 de dimanche dernier – sans se dévoiler vraiment. Car la situation lui est favorable mais il reste prudent. Hollande, Valls et Macron sont en train de s’entre-déchirer. Si Arnaud Montebourg se déclare trop vite, il risque de les liguer tous trois contre lui. Il ne veut pas répéter les erreurs du passé. Car il est convaincu que c’est grâce à lui que Hollande est à l’Elysée et que Valls est à Matignon. Tandis que lui…
Pèse-t-il encore ses 17% de la primaire?
Difficile à dire. Arnaud Montebourg a sans doute sous-estimé les conséquences de son retrait de la vie politique depuis presque deux ans. Il n’a pratiquement pas donné d’interview! En revanche, ce qui joue en sa faveur c’est que ses prédictions se sont réalisées: la gauche s’est fracturée, le chômage a augmenté et le FN est monté. Dès juillet 2012, il avait dit que la politique engagée allait dans le mur.
Il est donc l’un des rares ténors de la gauche à pouvoir s’exonérer du bilan du quinquennat?
Effectivement très vite à Bercy, où il cohabitait avec Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac, il a compris que les engagements de campagne ne seraient pas tenus. Il a pourtant essayé de montrer une voie pour échapper à la crise. Ensuite, Montebourg a raté sa sortie. L’affaire de la cuvée du redressement productif a motivé un remaniement ministériel comportemental! Il aurait aimé partir sur une divergence politique majeure qu’il aurait pu afficher et revendiquer. Comme l’a fait Christiane Taubira.
Vous le suivez depuis longtemps… Le Montebourg de 2016 a-t-il changé?
Dans mon livre, je fais un parallèle avec Gainsbourg-Gainsbarre. Lors de son passage au ministère de l’économie, j’ai pu constater que de nombreux industriels et entrepreneurs étaient séduits par Montebourg – son écoute, son analyse, son dynamisme – quand ils le rencontraient en privé. En revanche, il se mettait en scène en Montebarre dès qu’une caméra ou un micro étaient présents. Il devenait, à la TV, un politique anxiogène. Lors de son interview sur France 2, je l’ai trouvé apaisé, prenant soin de mettre en évidence le côté productif de sa personnalité et non celui qui exacerbe les tensions. Il était coutumier des coups d’éclat, il veut maintenant s’inscrire dans une durée.