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Une ONG israélienne qui traque les abus de l’armée dans les Territoires palestiniens comparaîtra dimanche devant un tribunal chargé de dire si elle est tenue ou pas de divulguer ses sources, une affaire susceptible selon elle de remettre en cause son existence.
Breaking The Silence (« Briser le silence ») est ONG reconnue offrant une plateforme aux soldats pour dénoncer sous couvert de l’anonymat les agissements selon eux condamnables de l’armée dans les Territoires.
Elle jouit du crédit international parmi différentes ONG défendant les droits de l’Homme et documentant les actions israéliennes dans le conflit avec les Palestiniens.
Le procès qui s’ouvre dimanche à Petah Tiqwa, près de Tel-Aviv, sera suivi avec attention par d’autres ONG du camp de la paix soumises à une pression grandissante.
Le procureur estime que les témoignages anonymes favorisent la diffusion de mensonges sans permettre d’enquêter sur les méfaits éventuels. Breaking the Silence invoque en revanche la nécessité de protéger ses sources et accuse l’Etat d’essayer de faire taire les voix discordantes.
Yehuda Shaul, cofondateur de l’ONG, a déclaré à l’AFP que le procès « pourrait signifier la fin de Breaking The Silence » si l’ONG perdait.
– ‘Cinquième colonne’ –
« Plus aucun soldat ne parlera s’il sait qu’il risque d’aller en prison », a-t-il dit.
Breaking The Silence et d’autres ONG comme la Paix maintenant ou B’Tselem, critiques opiniâtres de l’occupation et de la colonisation israéliennes, font face à de dures attaques de l’un des gouvernements les plus à droite de l’histoire d’Israël et d’une partie de la classe politique qui voient en elles « une cinquième colonne » agissant pour les ennemis d’Israël.
Yehuda Shaul a expliqué que la procédure plaidée dimanche concernait un recueil de témoignages publié en mai 2015 sur la guerre de Gaza en 2014.
Le document disait compiler les témoignages anonymes de plus de 60 officiers et soldats ayant participé à la guerre. Les témoignages constituaient un réquisitoire contre un usage aveugle de la force qui aurait causé un nombre sans précédent de victimes civiles.
Un soldat racontait que deux Palestiniennes marchant dans un verger avaient été repérées puis tuées simplement parce qu’elles étaient trop près des lignes israéliennes. Un sergent relatait comment un garde avait ouvert le feu sur un vieux Palestinien parce qu’il redoutait qu’il ne se fasse exploser avec des grenades. Les soldats, se rendant compte de leur erreur, l’auraient achevé.
Indépendamment de ce recueil, l’armée a ouvert ses propres investigations sur d’éventuels méfaits. Elle a critiqué Breaking The Silence pour avoir proféré des accusations sans lui fournir les moyens d’enquêter.
La police militaire a demandé en 2015 à l’ONG le nom des soldats qui avaient témoigné.
« Nous avons refusé, évidemment, mais, comme nous l’avons fait par le passé, nous avons donné à la police militaire des informations complémentaires », a dit Yehuda Shaul.
En janvier, le procureur a décidé de porter l’affaire devant le tribunal, a-t-il dit.
– ‘La plus morale du monde’ –
« Israël pense qu’il est du plus haut intérêt pour le public de clarifier les soupçons », a dit le ministère de la Justice.
L’Etat considère que la nécessité d’établir la vérité prévaut sur le secret des sources, a dit le ministère dans un communiqué.
Le Parlement israélien a voté en février en première lecture un projet de loi qui contraindrait les ONG à révéler leur financement par des gouvernements étrangers.
L’instigatrice du texte, la ministre de la Justice Ayelet Shaked, du parti nationaliste religieux Foyer juif, assure qu’il ne s’agit pas de restreindre les activités d’ONG. Mais, dit-elle, Israël a découvert que des ONG recevaient des « centaines de millions de dollars » de la part de pays cherchant à intervenir dans le conflit israélo-palestinien.
Un rapport de l’ONU avait conclu en juin 2015 à de possibles crimes de guerre de la part d’Israël et des groupes armés palestiniens pendant la guerre de Gaza. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu réfute de tels rapports contre l’armée « la plus morale du monde » qui, selon lui, fait tout pour éviter les victimes civiles.
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