L’Etat donneur de leçons

Étiquettes

,

David Barroux

Aux yeux d’une opinion publique biberonnée à la démagogie de politiques à la recherche de cibles faciles, on pourra toujours dire que les patrons sont trop payés, qu’ils pourraient vivre avec quelques millions de moins ou que même lorsque les salaires sont plafonnés comme dans les entreprises publiques, on manque rarement de candidats dirigeants.

Les critiques faites aux PDG « gloutons » comportent sans doute une part de vrai et à l’heure où les écarts de richesse sont sources de tensions dans notre société, ce débat sur la rémunération est légitime. Mais en brandissant la menace de légiférer pour placer les PDG sous surveillance, en allant même, comme le suggèrent certains, jusqu’à plafonner les rémunérations, nos élus mettent le doigt dans un engrenage dangereux. A ce compte-là, pourquoi ne pas limiter arbitrairement les salaires des footballeurs, des stars du cinéma, des traders ou des gagnants du Loto ? Autant de personnes qui gagnent des millions et qui contribuent souvent moins à la création de richesses et d’emplois que des présidents de grande entreprise. Surtout, une fois de plus, alors que le déménagement à Londres du siège social d’une entreprise comme Technip prouve que notre carcan législatif et fiscal joue contre les intérêts de la France, avons-nous besoin de nous tirer une balle dans le pied ? En s’invitant dans le débat sur les salaires des PDG, nos politiques se mêlent d’un sujet sur lequel leur compétence est discutable. Après tout, ce n’est pas l’Etat qui paie Carlos Ghosn… ce sont les acheteurs de Renault. Le conseil d’administration de Renault a été maladroit et les mécanismes du « say on pay » méritent sans doute d’être affinés pour donner plus de pouvoir aux assemblées générales. Encore que l’idée à première vue séduisante de rendre contraignant le vote des actionnaires sur la rémunération annuelle des PDG aura inévitablement des effets pervers.

Lorsque l’on débauche un patron pour ses compétences, on lui promet par contrat un salaire et on attache à sa part variable des conditions qui doivent être définies a priori. On veut demain donner aux actionnaires le pouvoir de changer les règles du jeu en cours de route. Cela n’aidera sans doute pas nos entreprises à attirer des talents managériaux dont elles ont besoin. Enfin, on se permettra de remarquer qu’il est paradoxal que le principal donneur de leçons soit un Etat qui a plus d’une fois prouvé son incapacité à gérer correctement les entreprises dont il est actionnaire. Dans l’énergie, l’écart de performance entre Areva, EDF ou Engie et Total, privé, est ainsi affligeant.

Prisonnières de considérations politiques et d’injonctions contradictoires, ces entreprises sont en crise alors que Total, soumis aux yoyo du pétrole, a su trancher dans l’urgence en inscrivant son action dans la durée.

http://www.lesechos.fr/idees-debats

Les commentaires sont fermés.