Étiquettes

,

Après une campagne très médiatisée et tendue, le résultat reste incertain. Un Brexit affaiblirait la livre sterling et les actions internationales surperformeraient les valeurs britanniques.

Marino Valensise*

De fait, le débat actuel autour du Brexit se focalise sur les finances publiques du Royaume-Uni. Si la balance commerciale est actuellement excédentaire pour les services, particulièrement pour la financer, le commerce extérieur reste déficitaire, la Grande-Bretagne important plus de produits qu’elle n’en exporte.

L’environnement apparait donc plutôt défavorable à un schisme. Depuis la guerre, le déficit (5% du PIB) n’avait jamais été aussi élevé. La Grande-Bretagne doit ce déficit pour l’essentiel, aux importations de voitures, de denrées alimentaires et de boissons en provenance du reste de l’Uni on européenne.

Le déséquilibre entre les services excédentaires et les marchandises déficitaires est problématique. En cas de Brexit, négocier un nouvel accord commercial risque de ne pas être simple et pourrait même être inutile si les services ne sont pas inclus. Les importations continueraient d’affluer vers le Royaume-Uni, sans la possibilité pour le pays d’exporter des services vers l’Europe. Le déficit du compte courant pourrait se creuser encore davantage.

Les services financiers sont cruciaux pour l’économie britannique et nous pensons qu’une sortie de l’Union européenne entraînerait de graves conséquences. A ce jour, il n’y a aucun précédent en termes d’accession au marché des services de l’Union européenne sans s’acquitter d’une contribution et sans respecter sa réglementation.

Jusqu’ici, et selon les mots employés par Mark Carney, le déficit courant britannique est financé par «la bonté des étrangers» grâce aux flux de capitaux internationaux vers le Royaume-Uni. Rien ne permet de garantir que ces flux perdureront à l’approche du référendum et plus encore en cas de vote en faveur d’une sortie.

Conséquences sur la livre sterling

Dans la pratique, le mécanisme qui permet d’attirer les flux de capitaux au Royaume-Uni repose sur une livre sterling bon marché. Aucune situation similaire n’est à noter dans le passé, mais d’autres périodes de tensions ont conduit à une dépréciation de la livre de 15 à 20%. Une récente étude suggère que la monnaie devrait se déprécier de 25 à 30% en cas de Brexit, ceci afin de continuer à attirer les flux de capitaux, de ralentir les importations et de favoriser les exportations.

La livre ne serait pas la seule à baisser. L’euro déclinerait également, sans doute, mais dans une moindre mesure, face à l’incertitude induite par un vote positif sur le Brexit.

Cette forte dévalorisation de la monnaie aurait des conséquences sur l’économie britannique et serait fortement inflationniste. La Banque d’Angleterre se trouverait face à un dilemme particulier: soit augmenter les taux pour contrôler l’inflation, au risque de faire ralentir l’économie ou alors adopter un statu quo et voir l’inflation atteindre 4 à 5%.

Implication sur les marchés financiers

Pour gérer le déficit des comptes courants, le Royaume-Uni devra offrir aux investisseurs internationaux des mesures attractives en termes de prime de risque.

De nombreux gilts à court ou moyen terme sont détenus par des investisseurs étrangers alors que les institutions britanniques détiennent plutôt des gilts à long terme. Les gilts à court et moyen terme sont plus vulnérables face à l’incertitude. Par rapport à d’autres périodes de tension dans le passé, nous pouvons mesurer cette p rime de risque à environ 150 points de base, soit une correction significative. Les titres à long terme ne seraient pas à l’abri non plus et seraient particulièrement sensibles à toute remontée de l’inflation.

Pour les actions, la perspective d’une dévaluation de la livre favoriserait les multinationales britanniques, comme celles cotées sur le FTSE 100, en mesure de bénéficier de revenus internationaux.

Ce serait un renversement de situation pour de nombreux investisseurs par rapport au moment où les petites et moyennes capitalisations bénéficiaient de faibles coûts d’importation et d’une forte demande domestique. En cas de Brexit, les petites capitalisations sont susceptibles de souffrir à la fois de la hausse des coûts et de la baisse de la demande.

Une négociation difficile

Une autre incertitude demeure. Le gouvernement considérera-t-il le référendum comme «politiquement contraignant» ce qui pourrait alors occasionner un nouveau vote. En vertu du traité de Lisbonne, le Royaume-Uni disposerait de deux ans pour organiser au mieux sa sortie, période qui serait mise à profit pour négocier de nouvelles conditions de relations commerciales entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.

Il ne fait aucun doute que les défis seront difficiles, et ce particulièrement pour la négociation d’un nouvel accord commercial. L’Union européenne ne voudra ni créer un précédent ni laisser croire à d’autres pays membres qu’il existe un moyen facile de «sortir et renégocier».

Des concessions accordées après le Brexit en faveur du Royaume-Uni enverraient un mauvais signal aux autres pays européens, où les mouvements nationalistes se renforcent déjà. Cela pourrait entraîner une réaction politique en chaîne avec le déclenchement d’autres référendums nationaux dans de nombreux pays membres.

* Head of Multi Asset & Income, Baring Asset Management, Londres

http://www.agefi.com/