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Samuel Le Goff
Les députés ont largement modifié l’article 13 du projet de loi Sapin, tant dans la définition des représentants d’intérêts que dans l’étendue des obligations auxquelles ils sont soumis.
Près de trois heures de débats et 89 amendements adoptés ont permis aux députés de la commission des Lois de l’Assemblée de largement remanier, mercredi 26 mai, l’article 13 de la loi Sapin créant un registre national des représentants d’intérêts.
Malgré des divergences sur la définition du lobbying, que la députée PS Delphine Batho souhaite limiter aux intérêts économiques et financiers, les débats ont révélé de nombreuses convergences de vues entre les députés.
Un texte de gauche
L’une des préoccupations, exprimée à plusieurs reprises, par le rapporteur PS, Sébastien Denaja, consiste à faire adopter « un texte de gauche ». La protection des lanceurs d’alerte et l’encadrement du lobbying sont les deux sujets pouvant servir de marqueurs politiques aux yeux du grand public.
La marge de progression sur le registre des représentants d’intérêts était vaste. Le projet initial se révélant peu consistant. Le passage en commission a permis une réelle progression, saluée notamment par l’ONG Transparency International.
De nombreux amendements (241) ont été déposés, venant de tous les groupes, mais les débats se sont surtout concentrés autour de ceux du rapporteur, qui a proposé les avancées les plus significatives.
Un filet à mailles serrées
La définition des représentants d’intérêts a été affinée, afin de cibler les organisations sans impliquer les simples citoyens. Outre les personnes de droit privé, les établissements publics industriels et commerciaux, ainsi que les chambres consulaires sont incluses dans le dispositif. Un temps exemptées, les associations cultuelles ont été réintégrées, ainsi que les organisations patronales.
Le périmètre des décideurs publics concernés a également augmenté considérablement. Les représentants d’intérêts devront s’enregistrer s’ils veulent rencontrer des ministres, des membres de cabinets, des hauts fonctionnaires, des parlementaires, mais aussi leurs collaborateurs, y compris les fonctionnaires parlementaires.
À l’initiative du rapporteur, les élus locaux ont été ajoutés à la liste, ainsi que les hauts fonctionnaires territoriaux, avec un cadre réduit. Un décret viendra fixer la liste des sujets pour lesquels un contact devra être signalé, afin de les limiter aux grandes décisions structurantes. Pas question d’englober les contacts liés à des demandes individuelles, explique Sébastien Denaja, qui veut éviter un engorgement du système.
Les lobbyistes devront également divulguer les noms de leurs clients, et indiquer les sources de documents et chiffres qu’ils produisent. Un moyen, aux yeux de la chef de file du groupe socialiste, Sandrine Mazetier, de « lutter contre les études bidon ».
Des obligations à sens unique
Les députés ont également musclé le contenu du registre, les lobbyistes devant fournir des informations détaillées sur leurs activités et leurs dépenses, avec des comptes rendus, tous les six mois, à la Haute autorité de transparence de la vie publique.
Le niveau des sanctions, en cas de manquement, est passé de 30 000 à 50 000 euros d’amende. Les députés ont ajouté une peine supplémentaire de suspension du registre, en cas de récidive.
Toutefois, l’opposition n’a pas manqué de signaler, par la voix de l’orateur du groupe LR, Olivier Marleix, que les obligations reposent exclusivement sur les représentants d’intérêts. Les décideurs publics ne seront pas sanctionnés s’ils consultent un lobbyiste qui n’est pas inscrit.
Le bureau de l’Assemblée a pris soin, par le biais d’amendements défendus par le vice-président David Habib (PS), de préserver la séparation des pouvoirs. Les lignes directrices et les contrôles restent dans la main des députés. Seul le président de l’assemblée ou du Sénat pourra saisir la HATPV, si des manquements lui sont signalés par le déontologue.
Peur de la censure constitutionnelle
Le rapporteur a reconnu que cette dissymétrie des obligations pose problème, mais exprime aussi la crainte d’une censure du Conseil constitutionnel, justifiant une grande prudence. Il s’est abrité derrière l’avis du Conseil d’État, qui souligne les nombreux risques juridiques que poseraient des obligations pesant sur les élus.
L’article 4 de la Constitution pose le principe de la libre organisation des partis politiques. Les élus sont donc libres de s’organiser comme ils l’entendent, et il est nécessaire, aux yeux des magistrats, de ne pas mettre d’obstacle au libre accès des citoyens à leurs édiles.