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Brésil, Delcidio de Amaral, Eduardo Cunha, Hermes Magnus, Jose Dirceu, juge Sergio Moro, Marcelo Odebrecht, Michel Temer, Renan Calheiros, Ricardo Pessoa, scandale Petrobras
C’est au Canada que l’homme d’affaires brésilien Hermes Magnus, le premier à dénoncer la corruption entourant la pétrolière Petrobras, a trouvé refuge. Ottawa vient de lui accorder l’asile politique. Il en a long à raconter sur les investisseurs qui ont voulu tirer profit de son entreprise, sur sa dénonciation et son exil. Radio-Canada l’a rencontré.
J’ai commencé ma lutte en 2008, quand j’ai décidé de profiter du boom économique au Brésil et que je suis allé chercher des investisseurs. Malheureusement, c’était un groupe de politiciens qui volait Petrobras et d’autres entreprises d’État, et qui tentait de laver cet argent de différentes manières.
Deux investisseurs, dont un député fédéral, ont voulu utiliser son entreprise pour blanchir de l’argent volé. « [Le député José Janene] a vendu les votes de son groupe de députés au Parti des travailleurs pour un salaire mensuel. [C’est] le fameux scandale [qui remonte à 2005]. Cet argent provenait déjà de Petrobras », poursuit l’homme d’affaires.
Hermes Magnus s’est finalement fait voler sa compagnie de machines-outils par les deux blanchisseurs d’argent. Il s’est plaint, mais en vain. Menacé, il a dû quitter le Brésil. Après avoir tenté de se réfugier en Allemagne et au Portugal, il s’est vu accorder l’asile politique au Canada.
Qu’est-ce que le scandale Petrobras?
Il s’agit d’un gigantesque scandale de corruption qui est en grande partie responsable de la mauvaise période que traversent en ce moment l’économie et le monde politique brésiliens.
Des milliards de dollars du géant d’État pétrolier Petrobras, la fierté nationale des Brésiliens, ont été siphonnés vers des partis politiques, des politiciens et des hommes d’affaires.
Voici comment fonctionnait le stratagème. Depuis 2004, une quinzaine de grosses compagnies de construction se répartissaient à tour de rôle, secrètement, les gros contrats de Petrobras : construction de raffineries, de plateformes et de navires d’exploration pétrolière et d’usines pétrochimiques. Les compagnies choisies majoraient les prix des contrats de 1 à 3 %. Les ristournes étaient versées à des partis politiques, des politiciens et des intermédiaires.

Il a fallu six ans pour que la dénonciation d’Hermes Magnus soit prise au sérieux.
« Lors d’une rencontre avec la police fédérale, un agent m’a refilé discrètement le courriel d’un juge, Sergio Moro, en disant : « Ce n’est pas facile de faire avancer le dossier, mais je fais confiance à Moro. Présentez-lui vos preuves. Si lui ne peut rien faire, personne ne le pourra » », relate Hermes Magnus.
Le juge Sergio Moro, spécialiste des crimes financiers, est devenu en deux ans un héros national. Ce « petit juge de province » est qualifié d’incorruptible.
En calculant les contrats gonflés et la gestion frauduleuse, le préjudice total causé à la compagnie Petrobras seulement est de plus de 10 milliards de dollars, selon la Cour des comptes du Brésil. Pour toutes les compagnies d’État touchées par le même stratagème, la somme est de 15 milliards de dollars, selon la police fédérale.
180 personnes sont en prison et une vingtaine ont été condamnées pour corruption, association criminelle ou blanchiment d’argent illicite.
Les deux premiers à être condamnés sont Alberto Youssef, homme d’affaires véreux qui a investi dans l’entreprise d’Hermes Magnus, ainsi que le directeur de Petrobras, Eduardo Costa Musa. Ils ont été condamnés à 12 et 8 ans de prison, mais en échange d’une réduction de peine, ils ont fait des révélations menant à plusieurs autres condamnations.
Ces hommes politiques et personnalités se retrouvent en prison ou risquent la prison
- Jose Dirceu, ex-ministre et bras droit de l’ex-président Lula da Silva. Il serait le cerveau du système Petrobras. Il vient d’être condamné à 23 ans de prison.
- Marcelo Odebrecht, héritier et PDG d’une des plus grandes firmes de construction du monde qui porte son nom. En mars 2016, il est condamné à 19 ans de prison pour corruption, blanchiment d’argent et association criminelle.
- Le sénateur Delcidio de Amaral et Ricardo Pessoa, président de la firme d’ingénieurs UTC. Les deux dénoncent le financement illégal des campagnes électorales de l’ex-président Lula da Silva et de Dilma Rousseff.
- Sont dénoncés également pour corruption les artisans de la destitution de la présidente Dilma Rousseff : son remplaçant Michel Temer, le président du Sénat, Renan Calheiros, et l’ex-président de la Chambre des députés, Eduardo Cunha (destitué pour entrave aux enquêtes au lendemain de la destitution de la présidente Rousseff, dont il a été le chef d’orchestre), ainsi qu’une vingtaine de ministres, sénateurs et députés de plusieurs partis. Seule la Cour suprême peut juger ces politiciens. S’ils sont reconnus coupables, ils risquent aussi de se retrouver en prison.

Quelque 60 % des parlementaires brésiliens ont des démêlés avec la justice. Une fois purgé de ses « mauvais éléments », le système politique brésilien devra se réformer de fond en comble.
Hermes Magnus, lui, ne veut plus retourner au Brésil qu’il considère encore comme dangereux pour lui. Il reçoit toujours des menaces par courriel. Il veut se relancer en affaires à partir du Canada et suit des cours de français.