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Philippe Bilger
Je sais, en 2012 j’ai voté en faveur de François Hollande pour échapper à Nicolas Sarkozy mais je ne veux pas davantage du second en 2017 que du premier qui a prouvé qu’il n’était pas fait pour cette charge suprême où la France est ballotée, incertaine, angoissée, dans des temps durs et troublés.
Notre pays va à vau-l’eau.
L’Etat se délite.
La CGT fait la loi.
Nuit debout peut continuer à se couvrir de ridicule et ceux qui la soutiennent avec elle. Quand on n’a que ce type de manifestation pour se convaincre qu’il y a encore des « grands soirs », c’est qu’on est mal.
Le désordre de la violence, la violence du désordre.
L’autorité n’a plus d’avenir. Elle est une nostalgie rien moins que douce.
Nicolas Sarkozy bouge, vend et s’excite comme en 2007 mais le charme est rompu et la magie technique dissipée. Les espérances d’antan sont déguisées en redites. On est passé de la gravité à la farce, pour paraphraser à peu près Karl Marx.
Marine Le Pen et le FN jubilent. On confirme leurs pires pronostics sans qu’ils aient à remuer la plus petite étincelle d’intelligence et de plausibilité. La haine de l’extrémisme le fabrique.
Bernard Cazeneuve garde un imperturbable sérieux dans une mer déchaînée et Jean-Jacques Urvoas ne se contente pas d’avoir succédé à une calamité ministérielle.
Les calculs et les magouilles politiques font florès et les coulisses sont pleines de petites ambitions.
Je songe à ce poète qui s’interrogeait : pourquoi, au fond du trou, se demandait-on comment on était arrivé au bord.
Mais une double embellie, l’une réelle, l’autre honteuse.
Durant deux mois, le chômage a connu une baisse substantielle et c’est une bonne nouvelle pour la France. François Hollande qui avait décidé de se représenter à proportion de ses hésitations de comédie va en profiter mais il n’empêche qu’on ne peut que se réjouir d’une accalmie dans le désastre social (lepoint.fr).
Le président de la République s’est à nouveau abandonné à son péché mignon qui est de blaguer, de faire de l’esprit dans une réunion internationale alors que sa nation est au plus mal. Faire de la dérision sur son « ça va mieux » en le prêtant au président Obama n’est pas la meilleure manière pour démontrer à ses concitoyens qu’il est à la hauteur de sa fonction. La plaisanterie en toutes circonstances n’est plus de la vivacité mais du jeu. Il se cache derrière ses saillies. Elles ne masquent pas l’état du pays (le Figaro).
Je ne doute pas que dans notre quotidien nous aimerions avoir à nos côtés une telle personnalité aimable, affable, souriante, spirituelle. Ce serait un compagnonnage désiré. Mais François Hollande n’est pas notre copain. Il est seulement, si j’ose dire, président de la République.
Je gardais le comble pour la fin.
Une ministre estimable et courageuse a dû être exfiltrée parce que des manifestants contre « sa » loi s’apprêtaient à envahir un studio de télévision et à avoir avec elle un dialogue d’un type particulier, pour ne pas dire plus. L’émission C à vous (France 5) a été arrêtée pour reprendre ensuite avec un autre invité, Gérard Holtz. On voit la chute ! (FranceTVInfo)
On peut considérer que l’autorité de l’Etat et la dignité de la ministre ont été sauvegardées par ce départ en urgence mais aussi, et sans avoir forcément mauvais esprit, qu’elles ont été, au contraire, dégradées. Où est l’allure ? Dans la fuite ou dans l’affrontement ? Qui gagne ou qui perd ?
Quelle image, en effet, pour la République, que cette exfiltration en catastrophe alors que je suis persuadé que cette personnalité, à la fois femme et ministre, aurait eu le cran d’affronter ses opposants aussi virulents qu’ils auraient été ! Il y aurait eu du risque mais il est des moments où une audace extrême et improvisée vaudrait peut-être mieux que les prudences classiques.
Surtout, pour un pouvoir qui demeure dans un déni permanent, on n’aurait pas pu rêver d’une démonstration plus éclatante et plus amère des conséquences de son incurie chronique et laxiste !
Une ministre contrainte de devoir accepter une telle posture et de se livrer à un dialogue « sauvage » pour se défendre et le gouvernement avec elle.
Des citoyens, des militants dévoyés, des syndicalistes égarés se souciant comme d’une guigne des processus démocratiques parce que profondément convaincus qu’ils ont le droit de tout faire, de tout entreprendre, de tout oser !
Le saumâtre est que leur intuition aurait été juste. Ils se permettent tout parce que tout leur a été permis.
Le bon temps de la « Manif pour tous » où l’Etat savait ne pas badiner face à des protestataires tranquilles qui ne cassaient rien !
Aller au bout de ce que je suggère aurait été, en grandeur nature et en paroxysme provocant, la mise en évidence d’une politique du pire. Le gouvernement n’aurait plus pu fermer les yeux sur la réalité, se cacher dans un coin de la République pour ne plus voir !
C’aurait été un comble mais franchement on n’est plus à ça près !
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