Pour la première fois, un portrait totalement inédit du Général par son petit-fils qui a eu la chance de partager avec lui à La Boisserie des moments intimes faits de complicité, d’échanges culturels et de conseils de vie. Extrait de « Un autre regard sur mon grand-père Charles de Gaulle », d’Yves de Gaulle, aux éditions Plon 1/2.

Parmi les nombreux essais de définition du gaullisme revient quelquefois celui-ci : « Quintessence du réalisme ». Trop simple. En revanche, la méthode reste pertinente. Il y a chez vous, grand-père, deux constantes qui vont dans ce sens : celle de savoir ce qu’est le réel qui compte, et ce qui va avec, car l’être pensant ne se distingue pas de la chose pensée, l’obsession d’en constituer la représentation par vous-même.
Penser par soi-même est probablement l’un des caractères fondamentaux de votre méthode de réflexion. Mettre l’accent sur l’indépendance est au centre de ce dispositif, car elle est liée à une autre notion de fond, celle de l’intégrité et de la dignité. Cela vaut pour les personnes comme pour les États. Il n’y a pas à chercher loin la tradition de ce « discours de la méthode ». Descartes vous est continuellement présent, d’abord dans le souci obsédant de ne rien tenir pour vrai sans l’avoir passé au préalable, plusieurs fois, au tamis de l’analyse.
« Le terme suprême de nos études doit être de nous rendre capables d’un jugement solide et vrai, non seulement à propos des choses scientifiques, mais en toute espèce d’occurrence ».
Dire oui à la vie, c’est d’abord dire oui aux lumières de l’intelligence qui décape, à l’effort accompli par l’esprit pour libérer la pensée, à la prédominance de la raison et, en justifiant l’ordre et l’harmonie dans toutes les matières, au rapprochement de l’homme et de l’universel. Comment dégager l’ordre du chaos, éliminer les préjugés et rechercher les conditions de la perfection ? La France et son armée souligne la vertu de tempérance raisonnable prévalant au siècle des Lumières, qui ajuste précisément l’effort et les moyens à l’objectif à atteindre. L’on retrouve dans Le Fil de l’épée la façon dont vous décrivez le don mystérieux du commandement qui commence par son aptitude à dépasser ou à répudier les mesures classiques et les conduites anciennes. Le 18 Juin, vous voyez le futur, imaginé dans les décombres de la défaite, mais qui crée l’espace de liberté que l’action va remplir : « Voilà ma tâche ! Regrouper la France dans la guerre ; lui épargner la subversion ; lui remettre un destin qui ne dépende que d’elle-même […] Pour moi, dans cette phase capitale, il ne s’agira plus de jeter au combat quelques troupes, de rallier ici et là des lambeaux de territoire, de chanter à la nation la romance de sa grandeur. C’est le peuple entier, tel qu’il est, qu’il me faudra rassembler« .
Pédagogue-né, qui se délecte dans la démonstration, notamment dans vos conférences de presse, vous vous méfiez des enseignements dissimulant leurs arrière-pensées, sinon leurs doctrines qui deviennent des systèmes. Vous avez, grand-père, toute votre vie préféré l’observation et l’analyse du réel appelé quelquefois doctrine des circonstances. Dans Le Fil de l’épée : « Croire que l’on est en possession d’un moyen d’éviter des périls et les surprises des circonstances et de les dominer, c’est procurer à l’esprit le repos auquel il tend sans cesse, l’illusion de pouvoir négliger le mystère de l’inconnu ».
Extrait de « Un autre regard sur mon grand-père Charles de Gaulle », d’Yves de Gaulle, publié aux éditions Plon, juin 2016.
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