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La question de l’euro ne rentre pas du tout en jeu dans le référendum demain. Mais les taux de change sont en ligne de mire dans les marchés.

Marie Owens Thomsen*

Le Royaume-Uni votera demain sur la question de rester membre ou non de l’Union européenne pour la deuxième fois. Dans les années 1960, le Royaume-Uni se battait pour rentrer dans l’Union, et souffrait l’humiliation du veto du Général de Gaulle en 1963. Il a fallu attendre 1972 pour signer l’accord. En 1975 avait lieu le premier référendum sur la possibilité d’un retrait du Royaume-Uni de l’UE et 66% des votants optaient pour rester membre de l’Union. Quand l’euro a été créé en 2002, l’Angleterre et le Danemark ont négocié le droit de ne pas adopter l’euro. Ils peuvent l’adopter dans le futur à souhait. La Suède a tenu un référendum sur l’adoption de l’euro en 2003. Quelques jours avant ce référendum, la ministre des affaires étrangères, Anna Lindt, qui était pro-euro, a été tuée d’une manière qui ressemble atrocement au sort de Jo Cox en Angleterre. Finalement, les suédois ont rejeté l’euro. La question de l’euro ne rentre pas du tout en jeu dans le référendum demain. Mais les taux de change sont en ligne de mire dans les marchés, et fondamentalement, la livre sterling  est aujourd’hui sous-évaluée: de 22% contre le dollar US, et de 2% contre l’euro (parité de pouvoir d’achat, calculé avec les prix de production et non-pas le IPC, et depuis 2002 – date de l’Union Monétaire).

D’abord, pour être bien claire, le taux de change est le prix relatif entre deux devises contrairement à un prix «normal» qui ne se réfère qu’à un produit, comme le prix de l’or, ou le prix d’une voiture. Il est impossible d’acheter juste un dollar – on l’achète toujours contre une autre devise. Ainsi, il y a deux «jambes» qui peuvent faire bouger le taux de change. La coutume est d’exprimer le taux de change en termes de mnémonique, comme GBP/USD pour décrire la quantité de dollar qu’il faut payer pour un livre sterling. Si nous écrivons USD/GBP on dénote le nombre de livres sterlings que coûte un dollar. On mentionne toujours en premier la devise dont la quantité est fixée (à 1) contre la deuxième dont la quantité est variable par rapport à la première.

La livre sterling a fait un plus haut cette année à GBP/USD 1.59 (le prix en USD pour un GBP) et un plus bas à 1.39, et se situe actuellement à 1.46. Le plus bas était en février mais la volatilité a triplé de mai en juin, ce qui est une mesure directe du stress lié au référendum anglais concernant l’Union européen. Il faut savoir que 48% des exportations du Royaume-Uni vont vers l’Europe, contre 18% qui sont destinés vers les Etats-Unis, et 4% vers la Chine. En termes de PIB, 13% du PIB anglais est lié au commerce avec l’Union européenne, quand seulement 3% du PIB européen dépend du Royaume-Uni. Du coup, on pourrait soupçonner que l’Angleterre préfère un taux de change plutôt faible vis-à-vis de l’euro, étant donné en outre que l’île a un déficit sur sa balance commerciale avec l’Union européenne. Pourtant, en examinant la balance commerciale, le déficit s’est creusé entre le Royaume-Uni et l’Union européenne pratiquement sans interruption depuis 2002, et ce d’une manière assez dé-corrélée du taux de change. Entre 2006 et 2008 la livre sterling s’est appréciée et la balance commerciale s’est améliorée, par exemple. Dans la littérature économique on cite le moindre coût de transaction comme avantage majeur pour fixer les taux de change (Mundell, 1961). La question de si l’amoindrissement de ce coût peut valoir plus que tout avantage compétitif d’un taux de change flexible dépend des quantités d’importations et d’exportations, de l’élasticité (sensibilité aux variations des prix) de la demande de ces deux, de la capacité de dicter les prix sur les marchés internationaux (être «price-leader»), etc. Un pays qui importe beaucoup peut être perdant si sa devise se déprécie car les importations deviennent plus chères en parallèle avec le gain de compétitivité côté exports, et vice versa – ce qui était donc a priori le cas en Angleterre entre 2006-2008. Le Royaume-Uni importe pour 30% de son PIB, contre 16% aux Etats-Unis par exemple, et ces pays exportent 28% et 13% du PIB respectivement, tous deux ayant des importations qui dépassent leur exportations. Toute chose étant égale par ailleurs, ces deux pays gagneraient plus en baissant la facture des importations avec une monnaie forte qu’en rendant les exportations moins chères grâce à une monnaie faible. En outre, dans le monde, les taux de changes fixes dominent: en comptant les 154 pays couverts par le Fond Monétaire International, 58% des pays ont des régimes de taux de changes plutôt fixes, et 42% plutôt flottants. Seulement 29 pays ont des taux de change complètement libres, dont le Royaume-Uni (l’euro est également un taux de change libre, même si à l’intérieur il est fixe entre les membres de l’euro).

Ainsi, à la veille de ce vote monumental dans son potentiel pour déterminer les flux dans les marchés et notre futur à nous tous, nous trouvons non seulement que le Royaume-Uni devrait rester membre de l’Union, mais que le pays devrait en outre adopter l’euro. Ce n’est pas demain la veille!

Chief Economist,

CA Indosuez Wealth Management

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