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Par Louis Manaranche

TRIBUNE – Après la victoire du camp du Brexit, Louis Manaranche juge que l’Union européenne doit davantage tenir compte de l’avis des peuples.
La réponse fuse, comme une évidence: «on n’est pas allé assez loin». Peut-être. Et l’on évoque inévitablement la faute originelle de notre pauvre pays, qui a rejeté le traité constitutionnel européen. Mais est-ce tout?
Il semble que nulle part, à l’exception des empires avec leur prétention à l’universalisme, on n’ait fait émergé une forme politique, nouvelle ou héritée, sans qu’il y ait, au préalable ou en parallèle, un peuple qui se constitue. Cela suppose un héritage commun, un sentiment d’appartenance et un territoire qui distingue clairement l’ici et l’ailleurs, pour mieux les honorer dans leur complémentarité. Cela suppose que l’on place le politique au-dessus de l’économique, non pour le mettre sous tutelle ou pour tenter une énième prise en main autoritaire, mais pour placer le bien commun au dessus de l’intérêt, fût-il général. L’Europe a une identité, enracinée – grand oubli de 2005 – ouverte sur le vaste monde et généreuse. Mais cette identité repose fondamentalement sur la diversité de ses formes politiques. Si tous ont en commun la démocratie et l’état de droit, la République des Français est lourde d’un histoire qui est bien différente de celle de la monarchie anglaise, qui elle-même n’a pas grand chose à voir avec la république fédérale des Allemands… Un peuple européen n’adviendra pleinement que si l’Union respecte scrupuleusement les souverainetés des nations et si celles-ci consentent, démocratiquement et pleinement, à les partager dans les domaines où cela a manifestement un sens. Cela s’appelle la subsidiarité et c’est, officiellement, un principe européen incontournable. En réalité, les Européens l’attendent encore. Elle signifierait la maîtrise de leur destinée par la redécouverte du politique, coup fatal porté au triomphe apparent de la gouvernance et de ses règles techniciennes.