Le double langage des Européens

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Catherine Chatignoux

https://i0.wp.com/www.lesechos.fr/medias/2016/06/26/2009756_le-double-langage-des-europeens-web-tete-0211067570527.jpgLe président du Conseil européen Donald Tusk – SIPA

Les Britanniques ont dit « non » à l’Europe et c’est comme si tous ses Etats membres l’avait répudiée. Le Royaume-Uni n’est pourtant pas un partenaire comme un autre, il a toujours eu un pied dedans, un pied dehors, et négocié d’innombrables dérogations à la règle commune, au nom de sa singularité. Il n’a jamais caché ses doutes sur le peu de confiance qu’il avait dans le projet politique et les institutions de l’Union. En d’autres temps, sa sortie du club aurait pu être vécue comme la clarification d’une ambiguïté historique et ouvrir la voie à un nouveau départ de l’Union. C’est tout le contraire qui se produit.

Le Royaume-Uni renie sa partenaire de plus de quarante ans et voilà tous ses voisins qui jugent, eux aussi, la mariée revêche et pleine de défauts. De Paris à Varsovie, les gouvernements semblent convaincus que le regard des Britanniques est partagé par tous les autres Européens. « Le référendum a montré la désillusion vis-à-vis de l’intégration européenne et une confiance en déclin », a ainsi déclaré le ministre polonais des Affaires étrangères Vitold Waszczykowski. Loin de donner à l’Union un nouvel élan politique, c’est à un recadrage en règle que les Etats s’attellent sous la pression des partis populistes et europhobes qui menacent leur influence. « L’euroscepticisme doit être pris au sérieux », a dit Lars Lokke Rasmussen, dont le gouvernement minoritaire au Danemark est soutenu par le Parti du peuple danois, situé à l’extrême droite de l’échiquier.

Oublier les « rêves d’utopie »

Au lieu de s’interroger sur leurs propres responsabilités dans la désaffection de l’Europe, les chefs d’Etat et de gouvernement s’interrogent sur les moyens de contenir cette Union qui doit oublier ses « rêves d’utopie », selon Donald Tusk, le président du Conseil européen. Pour Mark Rutte, Premier ministre néerlandais, « mes collègues pensent comme moi : ils ne veulent plus de grandes visions, de conventions et de traités ». La chancelière allemande souhaite elle aussi une Europe utile et plus modeste. Le président français, François Hollande, propose bien un « sursaut » mais il risque de se retrouver bien seul s’il se montre trop ambitieux. D’ailleurs, lui aussi veut que l’Europe en rabatte. « Pour aller de l’avant, l’Europe ne peut pas agir comme avant […] Elle doit décider vite là où on l’attend et laisser aux Etats nations ce qui relève de leur seule compétence. » Parallèlement, le Premier ministre, Manuel Valls, a assuré que « l’Europe ne doit plus intervenir partout, tout le temps, elle doit agir là où elle est efficace ».

Pourtant, mercredi au sommet européen, les Vingt-Sept – puisque le Royaume-Uni ne sera pas invité ce jour-là aux débats sur l’avenir de l’Union amputée – lui demanderont d’apporter des réponses aux principaux défis du moment : l’investissement et la croissance économique pour mieux lutter contre le chômage, la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, la protection des frontières et la consolidation d’une politique de défense commune. Le programme est donc plus qu’ambitieux et réclame à l’évidence davantage de coopération et de politiques communes. Pourquoi alors ne pas le dire clairement, et afficher la volonté d’avancer dans cette voie ? A moins qu’il ne s’agisse que d’un agenda de circonstance qui ne pourra que décevoir les opinions publiques s’il n’est pas mis en oeuvres.

Comme les Britanniques, les dirigeants européens condamnent l’Europe .La réponse à la décision du Royaume Uni de quitter l’Union risque de se faire au détriment de l’intégration européenne. Les Vingt-sept espèrent ainsi contenir les partis eurosceptiques.
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