Vendre nos Airbus en Iran ? Naïveté française et diktats américains…

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  Si le choc des civilisations existe, il ne se niche pas forcément là où on le croit.

Nicolas Gauthier

En matière politique, les raisonnements binaires et manichéens, plus simples, fonctionnent généralement mieux que d’autres, plus complexes, car s’attachant davantage aux réalités qu’aux schémas de pensée. Dans la série : les Américains sont nos amis, les musulmans sont nos ennemis ; camp du bien contre axe du mal et toutes ces choses.

En ce sens, la lecture de l’hebdomadaire Challenges, pas exactement représentatif de la « pensée dissidente », nous rappelle, en ce début du mois de juin, la passionnante intervention d’Alain Juillet, ancien directeur du renseignement à la DGSE, prononcée devant le très officiel Institut des hautes études de la défense nationale. Pour être plus précis, le même Alain Juillet est aujourd’hui président du Club des directeurs des entreprises. C’est-à-dire qu’il continue de jouer les vigies de ce que l’on nomme désormais « l’intelligence économique », secteur stratégique s’il en est.

Ainsi recommande-t-il « une grande vigilance à ceux qui se sont un peu enorgueillis de promesses de contrats en Iran ». Pourquoi ? Tout simplement parce que ce marché serait aujourd’hui « verrouillé par les Américains, qui n’hésiteront pas à mettre à genoux ceux qui s’aviseraient de les concurrencer dans ce pays qu’ils considèrent désormais, au même titre qu’Israël, comme une tête de pont dans la région ».

La preuve par Airbus ? C’est à croire. Car, le 21 juin dernier, dans Le Figaro, quotidien pas vraiment « hors système », ces informations relayées par le reporter Renaud Girard : « Depuis la levée des sanctions économiques sur l’Iran, alors que les banques européennes peuvent juridiquement financer les projets des entreprises, elles ne le font pas. Traumatisés par les amendes gigantesques payées par la BNP et d’autres banques, les établissements financiers d’Europe sont paniqués par les possibles punitions des autorités américaines. »

D’où l’actuel pas de deux d’Airbus en Iran et l’avancée de Boeing à Téhéran. Et Renaud Girard de noter, à juste titre : « L’ayatollah Khamenei, le numéro un du régime, ne veut pas de l’Amérique et des entreprises américaines en Iran. Mais si les Européens ne se montrent pas capables de prendre les marchés, grâce à leurs technologies et leurs financements, alors l’Iran n’aura pas d’autre choix que de se faire envahir par les groupes américains. Et l’Europe se sera fait, une nouvelle fois, avoir. »

On ne saurait être plus clair : les Américains ne sont pas les plus forts, ce sont juste les Européens qui se montrent trop faibles, allant jusqu’à croire à la farce des « Panama Papers » grâce à laquelle, explique Alain Juillet, Washington « tire les ficelles via différentes fondations bien-pensantes ». Pareil sur la palinodie ayant récemment opposé Apple et FBI sur le respect de la vie privée des citoyens : « Une jolie manipulation pour enfumer les gogos. Les Français, par exemple, qui continuent de voir l’Amérique avec les yeux d’Alexis de Tocqueville. »

Pourquoi donc ce regain d’agressivité planétaire des USA ? Tout simplement parce que cette nation qui n’en est pas une n’en finit pas de perdre les guerres qu’elle a menées de par le vaste monde, qu’elle est rattrapée économiquement par la Chine et que la Russie de Vladimir Poutine lui dispute son leadership diplomatique mondial. D’où, rappelle Renaud Girard, « ses lois d’extraterritorialité », grâce auxquelles des entreprises non américaines sont toujours menacées d’invraisemblables sanctions économiques, sans oublier le « contrôle des données numériques », voire ces multinationales américaines (Google, Apple, Facebook et autres consortiums) qui, à elles seules, contrôlent déjà les données personnelles de plus de la moitié de l’humanité.

Si le choc des civilisations existe, il ne se niche pas forcément là où on le croit.

Boulevard Voltaire – La liberté guide nos pas

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