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censure de gauche, François Hollande, l'article 49.3, Loi Travail, Primaire PS
Entre recours à l’article 49.3 et motion de censure de gauche, le retour de la loi El Khomri à l’Assemblée nationale s’annonce chaud…
Par Emmanuel Berretta

François Hollande raidit sa position sur la loi El Khomri alors que le texte sera de retour à l’Assemblée mardi 5 juillet en seconde lecture. « Si je bouge, je perds tout », confie-t-il à son entourage. Les ultimes concessions du gouvernement Valls n’ont pas, à cette heure, convaincu les frondeurs de désarmer. Au contraire, chacun s’organise pour le combat : en réponse à l’éventuel 49.3 du gouvernement, les frondeurs se joindraient à une motion de « censure de gauche ». De source parlementaire, cette motion de censure aurait déjà recueilli 61 soutiens potentiels (il en faut 58 pour qu’elle soit présentée).
« Personne ne la veut à tout prix, tempère Christian Paul, le chef de file de la fronde. Nous privilégions la recherche d’un compromis, mais personne ne la redoute si l’exécutif fait le choix du blocage définitif. » Dans cette nouvelle empoignade, il n’est plus tout à fait question de cette loi travail. La primaire du PS et les calculs des uns et des autres s’y sont invités joyeusement, chacun poursuivant une arrière-pensée politicienne.
« Se chiraquiser ou réformer ? »
Le premier à calculer n’est autre que François Hollande. « Après les régionales, en décembre, la question était de savoir s’il allait se chiraquiser en attendant 2017 ou continuer à réformer ? Il a choisi la ligne je continue à réformer jusqu’au bout », observe un hollandiste. Premier avantage pour le président : entamer sa campagne électorale sur le thème de la réforme tranquille face à la droite « qui veut tout casser » et à l’ultra-gauche qui souhaite « l’immobilisme ». Deuxième avantage : en poursuivant la réforme du Code du travail, il pensait aussi se prémunir du départ de Manuel Valls ou d’Emmanuel Macron. En somme, il bouchait l’angle droit de sa majorité. De fait, Macron repousse sa sortie du gouvernement tant que la loi travail n’est pas adoptée : « J’aurais l’air de quitter le navire avec les rats, d’autant que je soutiens les dispositions qui sont dans la loi El Khomri », confie-t-il en privé.
Toutefois, François Hollande n’avait pas mesuré à quel point cette « réforme tranquille » allait surmobiliser l’utra-gauche, pousser la CGT à défendre une ligne dure (pour des raisons internes) et provoquer une chienlit interminable jusqu’à empiéter sur l’Eurofoot, gâchant un peu ce moment festif et de rassemblement national… Résultat : lassitude des Français et plongée du chef de l’État dans les sondages, où il entraîne son Premier ministre.
La primaire PS s’invite dans la loi El Khomri
C’est dans ce contexte que le PS opte pour des primaires en janvier 2017 avec le consentement du président de la République. Les frondeurs – qui possèdent au moins quatre candidats potentiels, entre Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, Marie-Noëlle Liennemann et Gérard Filoche – sont pris par surprise. Pour Pascal Cherki et Benoît Hamon, c’est une « victoire » dans la mesure où ils considèrent que leur résistance a fait mettre un genou à terre au président de la République. Il ne peut plus se déclarer comme le « candidat naturel » de son camp et doit se relégitimer en repassant par un scrutin partisan… En revanche, chez Montebourg, on pressent un « piège » et l’on pose des conditions : un nombre de bureaux de vote aussi élevé qu’en 2011 (près de 10 000)…
La question qui se pose à tous est donc la suivante : faut-il accepter cette primaire organisée par Jean-Christophe Cambadélis, allié de Hollande ? Pour ceux qui redoutent ce match et qui voudraient aller directement se mesurer au premier tour de la présidentielle, la meilleure façon serait de rompre avant. La loi El Khomri offre cette occasion. La motion de censure la semaine prochaine achèverait d’exploser la famille socialiste. Les frondeurs seraient sortis du groupe PS à l’Assemblée. Adieu la primaire !
Macron prêt à s’envoler
Les opposants à la primaire se recrutent aussi sur l’aile droite du parti. Emmanuel Macron a dit tout le mal qu’il en pensait. Selon lui, les primaires sont le signe que les deux grands partis, Les Républicains et le PS, ont acté que Marine Le Pen serait présente au second tour. Un renoncement malsain, à ses yeux. Il considère surtout que les partis traditionnels sont morts, car ils enferment l’un et l’autre des progressistes et des conservateurs dans un face-à-face sclérosant où chacun s’épuise à trouver un compromis. « Les progressistes de droite et de gauche sont minoritaires dans chacun des deux partis, alors qu’ils sont majoritaires dans le pays », analyse-t-il. D’où le lancement de son mouvement En marche ! qui vise à rassembler les réformistes de droite et de gauche et à établir une offre politique qui séduise un électorat s’étant détourné de la politique.
Jean-Marie Le Guen, le secrétaire d’État aux Relations avec le Parlement, n’est pas loin de penser la même chose. Sur Europe 1, il a émis des critiques vis-à-vis des primaires (« une fausse bonne idée »), car, comme Macron, Le Guen considère que cela maintient au sein du PS des courants incompatibles et qui n’ont plus rien à se dire. Il milite pour l’union nationale contre les extrêmes. Répercussion immédiate sur la loi El Khomri : pousser au 49.3, laisser les frondeurs voter la motion de censure, les exclure du groupe et condamner ainsi la primaire. Une série de ricochets qui sert son idée ultime d’un rassemblement au centre.
« Des débats d’extraterrestres »
Cette idée effleure également certains hollandais, comme Bruno Le Roux ou Jean-Yves Le Drian qui, en évinçant les frondeurs, se contenteraient parfaitement d’une « primaire de confirmation » pour leur ami Hollande…
« Ce qui est dingue, c’est que nous avons des débats d’extraterrestres qui n’intéressent pas les Français, constate, amer, un député PS du Marais. Sur ce texte El Khomri, ceux qui négocient sont les extrêmes des deux camps. Nous, les modérés, qui formons l’essentiel du groupe à l’Assemblée, personne ne nous consulte depuis le début du conflit. » Et de regretter que le rapporteur du texte, Christophe Sirugue, porteur d’un compromis possible, n’ait pas été suivi. Sa diplomatie parallèle avec les syndicats aurait pu aboutir. Le Parlement était le lieu naturel de régulation du débat. Mais le 49.3, en coupant court à la discussion, a déplacé la vindicte dans la rue… L’extrême gauche antidémocratique s’est réveillée. Elle s’invite dans les réunions publiques de Manuel Valls (comme hier à Montpellier), elle incendie les permanences des députés PS… « Ce phénomène nouveau nous accompagnera pendant toute la présidentielle, craint un haut responsable socialiste. La CGT est dépassée… » Tout conduit la gauche au burn-out en 2017.