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La loi travail entre dans sa dernière phase. Le retour à l’Assemblée du projet de réforme du Code du travail ne va pas être un long fleuve tranquille : le gouvernement va avoir recours, une nouvelle fois, à l’article 49.3. Manuel Valls a affirmé qu’il prenait ses « responsabilités dans l’intérêt du pays » pour faire aboutir la loi travail, appelant les députés socialistes à « arrêter de jouer ».
« Je prends mes responsabilités dans l’intérêt du pays », et « je l’assume », a déclaré le Premier ministre devant les députés socialistes, selon un participant. Il doit annoncer dès mardi après-midi le recours à l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter sans vote le projet de loi travail en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, a-t-on appris de sources concordantes.
« Je crois qu’il faut arrêter de jouer. Pas pour nous, mais pour les Français : il y a tous les défis (populisme, Europe, terrorisme, chômage) et nous nous serions là à faire des simagrées dans des débats incompréhensibles pour les Français ? » s’est interrogé Manuel Valls lors de cette réunion houleuse du groupe PS. « On nous dit il faut écouter… Mais je vois bien ce que certains veulent écrire : absence d’écoute du gouvernement », a-t-il ajouté, dénonçant une « manoeuvre grossière ». « Quand on a un objectif pour l’intérêt général, on s’y tient », a appuyé le chef du gouvernement. « Moi, je pense que nous pouvons gagner en 2017, moi, je ne joue pas », a-t-il poursuivi alors qu’un socialiste venait de juger que « certains misent sur l’échec du président et se projettent sur l’après-2017 ».
»On a un accord clair avec la CFDT »
À l’extérieur du Parlement, c’est une douzième journée de contestation sociale qui s’organise.
L’examen du texte porté par la ministre Myriam El Khomri doit débuter dès 15 heures et sur le papier les députés ont jusqu’à vendredi pour examiner un millier d’amendements. Mais les discussions pourraient rapidement tourner court puisque l’exécutif va recourir à l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le texte sans vote. « Pas la peine de perdre encore du temps », soulignait lundi une source proche du Premier ministre. « On a un accord clair avec la CFDT, on ne peut pas prendre le moindre risque de remise en cause. »
François Hollande comme Manuel Valls ont, de fait, prévenu qu’ils défendraient jusqu’au bout un texte « de progrès », même s’il reste jugé défavorable aux salariés par une partie de la gauche, comme André Chassaigne, chef de file des députés Front de gauche, qui craint que l’exécutif dégaine le 49.3 « tel un vieux Colt, très vite ». Le gouvernement peut déclencher à tout moment le 49.3, mais si c’est le cas, il devrait le faire vite. « Personne n’a envie de revivre » le scénario de mai où « la droite s’est débrouillée pour disparaître » et où « la discussion a été monopolisée par l’obstruction d’une partie de la gauche », observe le secrétaire d’État aux Relations avec le Parlement Jean-Marie Le Guen dans Le Monde de mardi.
Guérilla parlementaire
Dès la matinée, la réunion de groupe PS permettra un état des lieux de la fronde avec un vote interne. Lundi, le patron des députés socialistes Bruno Le Roux s’est dit « assez pessimiste » sur la possibilité d’un débat apaisé sans « guérilla parlementaire ». Après quatre mois de contestation, le gouvernement, malmené dans les sondages à moins d’un an de la présidentielle, a pourtant de nouveau lâché du lest via des amendements en commission pour réaffirmer le rôle des branches, Manuel Valls estimant que « personne ne peut dire que le gouvernement aura été inflexible ou intransigeant ».
Le geste a été jugé insuffisant par les opposants, notamment car il ne règle pas « le cœur de la contestation » qu’est l’article 2. Concentrant à lui seul quelque 500 amendements, il consacre la primauté des accords d’entreprise en matière d’aménagement du temps de travail, porte ouverte au « dumping social » pour ses détracteurs. Certains frondeurs ont toutefois jugé « un compromis à portée de main » si la rémunération des heures supplémentaires ne peut être revue à la baisse par un accord d’entreprise. Un amendement en ce sens a été déposé par plus de 120 députés PS, mais « on a l’impression que le gouvernement ne veut pas de compromis », observe un élu non frondeur.
Nouvelle motion de censure ?
Aller sur ce terrain « ne suffirait pas à embarquer la totalité » des socialistes, car « il y a des logiques plus politiques consistant à faire peser sur le gouvernement la responsabilité du désaccord au sein du groupe », estime-t-on dans l’entourage du Premier ministre. Les syndicats contestataires manifesteront dans l’après-midi à Paris entre place d’Italie et Bastille et en région.
Ce sera la dernière fois de l’été, selon Jean-Claude Mailly (FO), mais les opposants ne laisseront pas tomber et « même si cette loi est votée, elle sera comme du chewing-gum qui colle aux chaussures du gouvernement ». Un meeting de l’intersyndicale (CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, UNL et Fidl) se tiendra mercredi. Nuit debout prévoit aussi un rassemblement à 19 heures près de l’Assemblée.
Dans le même temps, le Front de gauche se prépare au dépôt d’une motion de censure en cas de 49.3, avec notamment des écologistes contestataires et des frondeurs. Une initiative qui avait échoué en mai (56 signatures contre 58 requises, dont 26 socialistes) et pourrait à nouveau capoter. La droite, qui devrait aussi chercher à censurer le gouvernement, se prépare à observer cette « grande aventure », a ironisé un responsable LR, pour qui « tout ça est juste catastrophique ». 49.3 ou pas, le texte n’aura pas terminé son parcours, puisqu’il y aura une navette avec le Sénat avant l’adoption définitive d’ici le 22 juillet par l’Assemblée.
Le groupe Les Républicains ne déposera pas, lui, de motion de censure. Interrogé sur le dépôt d’une telle motion contre le gouvernement après l’engagement du 49.3, le président du principal groupe d’opposition à l’Assemblée Christian Jacob a répondu « non ». « Stop à la mascarade », que « Valls se débrouille avec son champ de ruines », a-t-il lancé en conférence de presse, donnant « rendez-vous devant les Français dans neuf mois » pour changer de majorité.
http://www.lepoint.fr/ avec (AFP)