Par Yves Roucaute
François Fillon. “On a culpabilisé la nation française au profit du repli communautaire, de la haine antinationale”, accuse l’ancien premier ministre, qui se dit “favorable au rétablissement de la double peine”.
« Dans son âme intérieure, chacun doit être un soldat de la République ». Photo © REA
François Fillon. “On a culpabilisé la nation française au profit du repli communautaire, de la haine antinationale”, accuse l’ancien premier ministre, qui se dit “favorable au rétablissement de la double peine”.
Quelles leçons tirez-vous de l’attentat de Nice ?
À Nice, le terrorisme a encore changé de nature. Un tueur isolé, fraîchement radicalisé, est passé à l’action. L’État islamique recommande ce type d’opération individuelle, difficilement détectable par nos services de sécurité. Pour ceux qui en doutaient, le virus du fanatisme vit parmi nous. Il ronge nos prisons, nos cités, il infuse parmi nos concitoyens musulmans. Il cherche à nous sidérer et à provoquer une guerre civile. Le drame de Nice démontre que la barbarie peut surgir en tout lieu, à tout instant, avec des armes les plus sommaires. Le risque zéro n’existe pas et il serait mensonger de laisser accréditer le contraire. En revanche, les Français ont droit à une sécurité maximale, et à cet égard, François Hollande n’avait aucune raison de vouloir lever l’état d’urgence. Et il n’a aucune raison aujourd’hui d’accuser l’opposition d’émettre des doutes sur sa stratégie diplomatique, militaire et sécuritaire. Nous sommes tous en deuil, tous pour l’unité nationale, mais la démocratie n’est pas muette.
La France est le seul pays d’Europe touché par ces attentats. Pourquoi ?
Nous sommes au coeur d’un conflit mondial. Chaque semaine, des attentats sont commis : Paris, Bruxelles, Bagdad, Beyrouth, Ouagadougou, Istanbul… L’adversaire, c’est le totalitarisme islamique qui dispose d’un état, d’armes, d’argent, de réseaux, d’une idéologie. Soyons clairs, la France est la première des cibles en Europe parce que ses forces armées sont engagées dans des opérations du Sahel au Moyen-Orient. L’ennemi nous frappe parce que nous le frappons. Et il trouve parmi nos concitoyens musulmans des sadiques qui croient entrer dans l’histoire en tuant des innocents. Faut-il pour autant regretter ces interventions militaires ? Non ! Ne rien faire, ce serait laisser la vague du totalitarisme islamique s’étendre encore plus, avec pour objectif final d’abattre notre civilisation.
Les appels à l’unité nationale ne suffisent pas. Comment peut-on protéger sérieusement nos concitoyens face à un risque terroriste établi dans la durée ?
La première façon de protéger les Français, c’est de les alerter véritablement sur ce qu’est la guerre ! Les circonstances sont dangereuses pour tous. On ne peut plus vivre tout à fait comme autrefois. Quand on est en guerre, on ne fait pas la fête sans précaution, sans vigilance. Dire que la meilleure façon de lutter contre les terroristes, c’est de faire ce qu’il nous plaît, c’est de l’inconscience. Nous devons être collectivement en alerte et le gouvernement doit prendre soin de cibler et de contrôler les grands événements. Il ne s’agit pas de se terrer comme des pleutres, mais de ne plus être des cibles naïves. Nos policiers, gendarmes et militaires ne peuvent être partout. Notre société doit se protéger en agissant de façon prudente, en faisant bloc autour des valeurs françaises que veulent abattre les fondamentalistes islamiques, en dénonçant aussi toutes les dérives susceptibles de déboucher sur une radicalisation des individus. Dans son âme intérieure, chacun doit être un soldat de la République. Bref, il faut renforcer la résilience du pays et parallèlement il faut nous doter de tous les moyens pour traquer les terroristes.
De quels moyens supplémentaires parlez-vous ?
D’abord, appliquons le livre IV du code pénal qui permet d’alourdir les sanctions pénales encourues par les auteurs ou les complices d’actes terroristes ! Tout individu qui entre en intelligence avec notre ennemi doit être jugé et puni d’emprisonnement. La commission d’enquête parlementaire créée après le drame du Bataclan a proposé aussi des nouvelles mesures. Au lieu de les balayer d’un revers de main, le gouvernement ferait bien de les examiner. Il faut réintégrer la Direction générale de la sécurité intérieure au sein de la Direction générale de la police nationale afin que les renseignements de terrain, dont on a sous-estimé l’importance, soient exploités comme il faut par les spécialistes, et que toutes les forces de sécurité soient mobilisées dans la lutte antiterroriste. Et nous n’avons besoin que de deux grandes branches du renseignement : l’une tournée vers l’extérieur, la DGSE, et l’autre tournée vers l’intérieur. Et puis, il faut expulser immédiatement les étrangers, y compris les Français qui auront été déchus de leur nationalité, dont le comportement constitue sur notre sol une menace pour l’ordre public. Ce devrait être le cas de ceux qui sont partis en Syrie ou en Irak, de ceux qui consultent des sites djihadistes, de ceux qui assistent muets à la dérive radicale de leurs proches et qui n’ont pas le réflexe de le signaler aux autorités. Je suis favorable au rétablissement de la double peine. L’expulsion des étrangers qui menacent l’ordre public est un attribut de tout État souverain !
Notre modèle d’intégration des étrangers n’a-t-il pas échoué ?
Moi, je n’ai pas attendu d’entendre parler de Molenbeek pour dire que notre patrie est fissurée. Des Molenbeek sur notre territoire, cela existe ! Que certains de nos jeunes préfèrent mourir pour un califat intégriste plutôt que de vivre dans le pays des droits de l’homme est la preuve qu’il y a quelque chose de brisé dans notre système d’intégration. Pendant trop longtemps, on a moqué la nation française, on l’a culpabilisée. Au profit de quoi ? Du repli communautaire, de la haine antinationale, du refus de l’autorité. Dans les familles et à l’école, il faut resserrer les vis. Il faut réduire l’immigration à son strict minimum et fixer des critères d’assimilation culturelle et professionnelle stricts. J’ajoute que nos concitoyens musulmans doivent se mobiliser de toutes leurs forces contre ceux qui instrumentalisent leur foi. Ils doivent moderniser l’islam, ils doivent dénoncer et chasser les intégristes. Il ne suffit pas de dire que l’islam n’a rien à voir avec le fanatisme : il faut livrer une bataille idéologique et spirituelle et faire le ménage ! Quant à l’État, il doit s’assurer de la formation des imams, expulser ceux dont les prêches sont hostiles à nos valeurs, rendre transparent le financement des mosquées, interdire les mouvements qui se réclament des salafistes ou des Frères musulmans. S’il faut pour cela ajuster la loi de 1905, faisons-le.
La politique internationale de la France est-elle à la hauteur de l’enjeu ?
Non, et je le dis depuis longtemps ! Au Moyen-Orient, François Hollande a été ballotté par les événements. Il a fait du démantèlement du régime d’Assad un préalable, alors que la priorité était de combattre l’État islamique. Il n’a pas su s’associer les services de la Russie et n’a pas su mobiliser militairement l’Union européenne. Agir contre l’État islamique n’est pas un choix, mais une obligation vitale. Mais quand on agit, il faut agir vraiment pour gagner rapidement la guerre et éviter, autant que faire se peut, les représailles. Depuis quatre ans, nous sommes au milieu du gué. Nous lançons quelques raids aériens, sans cap politique ou stratégique. Contre l’État islamique, il n’y a toujours pas de véritable coalition internationale, associant la Russie et l’Iran ; il n’y a toujours pas de forces européennes à nos côtés ; il n’y a toujours pas de plan pour reconquérir le terrain, avec en première ligne les États arabes, qui sont les premiers concernés par ce conflit. La communauté internationale n’a pas encore compris à quel mal elle avait affaire.