L’arrivée des burkinis sur les plages françaises en cet été 2016 a suscité dans les médias et la classe politique une polémique comme les Français les aiment.
Les médias anglo-saxons et allemands ne sont pas les derniers à s’en étonner et en sourire. Faut-il leur donner raison ?
On peut ne voir dans les vêtements islamiques – voile, burqua, burkini – qu’un effet de mode. Et l’on peut s’interdire de les interdire au nom de la liberté qui prévaut dans les pays occidentaux. Mais la mode elle-même n’est pas innocente. Elle est porteuse de sens politique et accompagne toutes les transformations sociales, pour le meilleur et pour le pire.
C’est ainsi qu’au début du XIXe siècle, les femmes de l’aristocratie et de la bourgeoisie ont abandonné les mousselines transparentes et vaporeuses en vogue à la fin de l’Ancien Régime. Elles cèdent la place aux crinolines et les corsets.
À partir de 1830 se généralisent dans la haute société les vêtements à armatures (corsets et baleines), timidement apparus à la Renaissance. Ils emprisonnent le corps et obligent les femmes à avoir recours fréquemment aux flacons de sel pour retrouver leurs esprits.
Ce changement de mode n’est pas seulement affaire de goût. Il traduit l’exclusion des femmes de la vie sociale, à la faveur de la résurgence du droit romain.
Le Code Napoléon de 1804, étendu à l’ensemble de l’Europe continentale, exprime sans détour cette régression qui fait fi de huit siècles d’émancipation féminine progressive et difficile.
Rappelons le joli mot de la peintre Élisabeth Vigée-Lebrun à propos de l’Ancien Régime : « Les Femmes régnaient alors, la Révolution les a détrônées » [plutôt que de la Révolution, il s’est agi de l’Empire et de la Restauration].
De fait, de la Restauration monarchique (1815) à la fin du XXe siècle, aucune femme ne joue plus de rôle prépondérant dans la vie politique et économique, en France et dans le reste du monde (sauf une impératrice douairière en Chine !).
Rien de comparable avec les siècles précédents. Sans remonter à Aliénor d’Aquitaine et Elizabeth 1ère, pensons seulement à Catherine II, Marie-Thérèse… et dans le domaine profane à Mme du Châtelet.
En matière de moeurs, on est aussi à l’opposé de la liberté des siècles précédents. Autant la loi se montre tolérante à l’égard de l’adultère masculin, autant elle devient impitoyable à l’égard de son correspondant féminin.
Mais cette régression a été de courte durée (…).