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François Fillon, La Droite, Nicolas Sarkozy, primaires, rentrée politique

Nicolas Sarkozy l’avait sans doute anticipé: les rentrées au cours du week-end de ses principaux adversaires aux primaires de la droite française, Alain Juppé et François Fillon au sein de sa famille politique.
A Chatou, près de Paris, Alain Juppé a sonné samedi la première charge: «Je refuserai toujours d’instrumentaliser les peurs, de flatter les bas instincts», a asséné, sans jamais nommer l’ancien président, celui qui fut son ministre des Affaires étrangères en 2011-2012. Coup de poignard plus aiguisé encore dimanche, de la part de François Fillon à Sablé-sur-Sarthe: «Qui imagine le général de Gaulle mis en examen?» a raillé l’unique premier ministre du quinquennat Sarkozy, bien décidé à ne jamais revivre les humiliations subies à Matignon, en insistant sur les casseroles judiciaires de l’ex-chef de l’Etat.
Deux refrains assurés d’être repris par une bonne partie des candidats lors de ces premières primaires de l’histoire pour le camp conservateur et gaulliste. Le site du Temps en brosse le tableau deux semaines avant la date officielle de dépôt des candidatures et des parrainages (9 septembre): 250 élus, dont au moins 20 parlementaires, répartis sur un minimum de 30 départements et au moins 2500 adhérents.
Personnalité «clivante de Sarko»
Officiellement, l’heure n’est pas à l’affrontement. Se posant en défenseur de l’unité, le «revenant» Sarkozy a promis samedi à l’université d’été des jeunes Républicains au Touquet, que «les diviseurs seront balayés». Problème: rares sont ceux qui y croient. Dès l’annonce de sa candidature, lundi 22 août, les fillonistes ont publiquement éreinté ceux qui, comme le député de Paris Pierre Lellouche, ont rejoint in extremis le camp Sarkozy après leur avoir promis son parrainage.
Alain Juppé, de son côté, multiplie les appels pour que ses soutiens appuient la candidature mal en point de l’ancienne ministre Nathalie Kosciusko-Morizet, «bête noire» du nouveau président du parti Les Républicains Laurent Wauquiez, installé par Sarkozy. Bruno Le Maire, qui fera sa rentrée les 17 et 18 septembre, promet de son côté de tout chambouler sur le thème du «renouvellement».
La personnalité «clivante de Sarko» – que 79% des Français ne veulent pas revoir à l’Elysée – a aussi rouvert les fractures chez les centristes avec l’annonce par François Bayrou (aujourd’hui pro-Juppé) de sa troisième candidature à l’Elysée si l’ex-président gagne les primaires. De quoi transformer les semaines à venir en machine à faire exploser la droite française, alors que l’avance d’Alain Juppé dans les sondages est en train de fondre: «Nicolas Sarkozy ne peut pas, d’un côté, tout faire pour surfer sur la colère des électeurs et de l’autre, espérer un apaisement du climat, estime un proche du candidat Juppé. Plus il va se montrer caricatural, plus ses adversaires vont lui rappeler ce qu’il déteste entendre: qu’il a perdu la présidentielle de 2012, et que s’il se qualifie pour celle de 2017, sa présence au second tour n’est pas du tout assurée.»
Renvoi en procès possible
L’entourage de l’intéressé n’est d’ailleurs pas dupe. D’autant que ses ennuis judiciaires vont donner à ses rivaux d’excellents prétextes. Le plus problématique? Le financement illégal de sa campagne présidentielle de 2012 via la fameuse officine de communication Bygmalion, pour lequel il a été mis en examen en février. L’instruction est close depuis le 6 juin, et le renvoi en procès est possible. Or, même s’il a échappé à une inculpation pour escroquerie et abus de confiance, l’ancien président – par ailleurs mis en examen depuis juillet 2014 pour trafic d’influence dans l’affaire dite des «écoutes téléphoniques» – a tout à perdre devant un tribunal. D’autant que deux de ses adversaires les plus résolus pourraient en profiter pour l’accabler: l’ancien patron de l’UMP Jean-François Copé, à qui l’affaire a failli coûter sa carrière politique, et François Fillon soupçonné, en juin 2014, d’avoir, lors d’un déjeuner sollicité le secrétaire général adjoint de l’Elysée, Jean-Pierre Jouyet, pour «accélérer la procédure».
La droite française pourra-t-elle résister à ces primaires ouvertes (il suffira de payer 2 euros et de signer une charte des valeurs pour voter) des 20 et 27 novembre dont l’organisateur en chef, le député Thierry Solère, affirme qu’elles accoucheront d’un «présidentiable incontesté»? Tel est l’enjeu des prochaines semaines, empoisonnées par les affaires de personnes. Résolu à mener campagne à droite toute sur l’identité, Nicolas Sarkozy veut ainsi convaincre son ancienne ministre Nadine Morano de renoncer à se porter candidate, après lui avoir retiré son investiture aux régionales en octobre 2015 pour ses propos sur «la France de race blanche». Sa réponse, jusque-là? «Il m’a humiliée. Je vais le lui faire payer.»