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Par André Bercoff

L’heure du bilan n’a certes pas encore sonné. Mais la solitude du coureur de fond apparaît de plus en plus cruelle au fur et à mesure que ses ministres d’hier et d’aujourd’hui prennent le large ; que ses électeurs d’il y a quatre ans se sont dispersés sans laisser d’adresse ; que la courbe du chômage danse un triste pas de deux avec les radiations de Pôle Emploi ; que la croissance est sous poumon d’oxygène et que la dette s’est pacsée avec le PNB pour le pire plutôt que pour le meilleur. Ne nous appesantissons pas sur les attentats à répétition, le communautarisme galopant, la farce tragique du burkini, et autres calembredaines qui prêteraient à sourire si elles n’étaient chargées de sang, de sueur et de larmes.
L’on pourrait avancer que Macron, n’ayant pas fait grand-chose, mais étant devenu, à l’insu de son plein gré, la coqueluche des médias, devrait méditer sur la fable de la grenouille et du bœuf. L’on pourrait arguer de la relative faiblesse de Montebourg, de la fidélité grognarde de Valls, de la stoïque présence des vieux briscards: l’inénarrable Cambadélis, Frégoli de l’humour involontaire, l’obstiné Sapin qui fait où on lui dit de faire, le merveilleux Le Foll qui cherche le numéro de téléphone de Lactalis: la garde hollandaise meurt mais ne se rend pas. Dans ce paysage dévasté, le souriant chef de l’Etat croit-il encore en sa bonne étoile, cultive-t-il toujours sa baraka, et se persuade-t-il qu’il franchira tous les obstacles pour arborer l’échéance de 2017 avec encore une chance de l’emporter?
Ne faisons pas injure à l’intelligence de Hollande. Il se sait vaincu et s’attachera à partir en beauté, par un message au peuple où il expliquera qu’il a toujours mis la France au-dessus de toute ambition personnelle et subalterne. Mais, soucieux de ne laisser passer aucun coup bas, aucun reniement, aucun abandon, il essaiera de cramer tous ceux qui, dans son camp, rêvent de lui succéder. Il sait que dans la minute où il renonce, ce sera (c’est déjà) le trop plein. Valls, Macron, Montebourg, et pourquoi pas Taubira: bal tragique de ses ministres qui se déchireront à belles dents dans un combat qui ne cessera que faute de combattants. Et Hollande pourra psalmodier comme Néron: «Quel artiste le monde va perdre!» et répéter à l’envi ces vers immortels: «Voir le dernier socialo à son dernier soupir, seul en être la cause et mourir de plaisir».
Ainsi va l’Histoire quand les hommes la transforment en anecdotes.