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Fustigeant la primaire et la toute-puissance des partis politiques, l’ancienne plume de Nicolas Sarkozy se libère et annonce sa candidature pour 2017.
N’étant pas parvenu à réunir suffisamment de parrainages pour la primaire, Henri Guaino se porte directement candidat à l’élection présidentielle 2017. © CITIZENSIDE/ YANN KORBISon café est sans sucre, mais Henri Guaino ne cesse de le remuer. Machinalement. Quand il répond aux questions, il jette parfois un regard par-dessus son épaule comme s’il attendait quelqu’un. Peut-être un soutien. Non, c’est trop tard. Ce vendredi matin, dans un hôtel parisien près des Champs-Élysées, l’ancienne plume de Nicolas Sarkozy s’est fait une raison et s’apprête à faire le grand saut. Impossible pour lui de poursuivre la primaire, faute de parrainages, alors il se lance dans la course à l’Élysée.
« Les pressions des candidats »
« Corrumpue », « manipulée », « une escroquerie démocratique »… Le député Les Républicains a la dent dure contre cette primaire de la droite et du centre. « Alain Juppé, François Fillon, Nicolas Sarkozy et même Bruno Le Maire avaient déjà des clans notables. Ils sont allés chercher plus de parrainages qu’ils n’avaient besoin dans l’unique but d’étouffer les autres candidats », déplore Henri Guaino. Il en veut surtout aux parlementaires, ceux qui ont subi « les pressions des candidats », ceux qui lui ont fait des « promesses de parrainages qui se sont envolées du jour au lendemain ». Henri Guaino n’est pas dupe : « Le système des primaires a réveillé les vieux comportements politiciens. »
Quand on lui rétorque qu’il est facile de critiquer après un échec et de s’acquitter des règles de son propre parti, Henri Guaino ne s’énerve pas. Il rirait presque. « Quand j’ai adhéré à cette famille politique, jamais il n’a été question d’investir une personne via une décision collégiale du parti », lâche-t-il, s’imaginant en nouveau Édouard Balladur, qui s’était présenté contre Jacques Chirac en 1995, ou en Valéry Giscard d’Estaing version 1974, face à Jacques Chaban-Delmas.
Le candidat qui sortira vainqueur – et qui sera ainsi investi comme poulain des Républicains à la présidentielle 2017 – goûtera peu aux velléités solitaires d’Henri Guaino. « Je n’ai peur de personne », lance-t-il. Pas même de Nicolas Sarkozy, son ami ? « Nous ne sommes pas fâchés. Nous sommes amis et pouvons devenir adversaires politiques s’il gagne la primaire. Je suis inconditionnel en amitié, pas en politique », certifie-t-il en invoquant Charles Pasqua qui refusait en 1969 d’être un « inconditionnel » de Pompidou. « Il n’y a pas de rupture avec le parti », assure Guaino, qui va malgré tout prendre congé du bureau politique des Républicains.
Guaino libéré, délivré
Henri Guaino peine à cacher une certaine forme d’écœurement après ce premier échec. Par moment, il se remplume, redressant ses épaules et relevant son menton. N’est-il pas candidat à la présidentielle après tout ? Un candidat « anti-système » mais « défenseur de la Ve République ». Il s’explique : « La chose publique, la politique, est aujourd’hui entre les mains des partis. La primaire ne cause-t-elle pas des crises internes chez les Républicains comme au PS ? Aujourd’hui, les clivages partisans ont dépassé les clivages idéologiques. J’ai l’impression d’être revenu à la IVe République, avec des partis politiques qui ne sont pas à la hauteur intellectuelle et morale des circonstances du pays. » Le prétendant Guaino a aussi un début de programme – du moins les grandes lignes – dans lequel il évoque une réforme de la justice, le service militaire et l’école. La question de l’identité, il la balaie. Lui préfère parler de « civilisation », de « nation ». « Ce n’est pas un débat à part, c’est une question intimement liée à l’économie, au social. »
Là où les équipes de Sarkozy, de Juppé, de Le Maire, de Fillon et autres Hollande, Montebourg, Macron et Le Pen sont dans les starting-blocks, Henri Guaino semble loin d’être prêt. Ce vendredi de primaire, il est bien seul. Les membres de son équipe se comptent sur les doigts d’une main. Les « Jeunes avec Guaino » ? Présents sur Twitter, mais absents de la conférence de presse, si ce n’est un ou deux visages poupins. L’annonce d’Henri Guaino semble avoir été organisée à la hâte. « C’était un peu sport, on a calé tout ça en milieu de semaine », concède même un de ses proches. Qu’importe, Henri Guaino peut « enfin » se lancer. Un « enfin » qu’il répète trois fois comme un soulagement. Comme s’il se libérait des carcans de Nicolas Sarkozy et du parti.