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Jean-Sébastien Lefebvre
Créé en 2011, légèrement modifié en 2014, le registre public va connaître de nouveaux changements. La Commission cherche à mieux encadrer la conduite des députés et du Conseil des ministres de l’UE, estimant qu’elle en fait elle-même déjà assez.
Rendre le registre si indispensable que tous les lobbys finiront par s’y inscrire d’eux-mêmes. Telle est la stratégie poursuivie par la Commission européenne dans ses propositions sur un meilleur encadrement de la pratique du lobbying, présentées mercredi 28 septembre à Bruxelles.
Cibler les hauts responsables
Pour y parvenir, le premier vice-président, Frans Timmermans, souhaite que les députés européens et les ambassadeurs (et leurs adjoints) des présidences tournantes de l’UE en activité (et la suivante) puissent rencontrer uniquement des organisations déclarées dans le registre public.
Cette restriction a déjà été imposée par le président de l’exécutif, Jean-Claude Juncker, à ses commissaires, leurs membres de cabinet et aux directeurs généraux de son institution en novembre 2014. En quelques semaines, près de 500 représentants d’intérêts, parfois présents à Bruxelles depuis des années, se sont inscrits dans la base de données.
La réforme propose aussi d’appliquer cette règle au secrétariat du Conseil de l’UE et à ses directeurs généraux, au secrétaire général du Parlement européen et à ses directeurs généraux, ainsi qu’aux secrétaires généraux des groupes politiques. Toutefois, la Commission renonce à obliger aussi les intéressés à publier la liste des personnes qu’ils rencontrent. Une pratique qui existe déjà pour les commissaires. Même si rien n’empêche chacun de le faire sur une base volontaire.
La carotte et le bâton
En plus de rencontrer les hauts responsables de chaque administration, l’inscription au registre permettra aux lobbys :
- d’obtenir des badges permanents pour accéder au Parlement ;
- d’être invités à des auditions publiques ;
- de devenir membres d’un groupe d’experts ;
- d’être inscrits aux listes d’alerte de lancement de consultations publiques ou d’annonce d’événements.
Des ONG comme Corporate Europe Observatory ont aussi demandé à la Commission d’élargir la mesure à ses directeurs d’unités et ceux en charge de dossiers importants. Elles n’ont pas été entendues. L’exécutif estime faire déjà assez d’efforts. Sa priorité est donc pour le moment de voir les autres institutions s’aligner sur ses standards.
Toutefois, l’idée d’inclure les représentations permanentes des États à Bruxelles a été abandonnée. Pour des raisons aussi bien politiques que juridiques, proposer de réguler l’ambassade d’un pays est difficile pour la Commission. Si un État souhaite volontairement montrer l’exemple, la porte reste bien sûr ouverte.
Partage du fardeau administratif
La Commission européenne profite aussi de l’occasion pour proposer de modifier certaines définitions concernant ce que regroupe le terme de « lobbyiste ».
Jusqu’à présent, les associations nationales d’élus locaux devaient s’inscrire dans le registre. Selon les nouvelles règles, elles n’auraient plus à le faire, dès lors qu’elles agissent « au nom des autorités publiques » et sont censées les représenter. Les partis politiques sont aussi exemptés de toute obligation, mais la dérogation ne s’appliquera pas à leurs organisations affiliées ou à celles qu’ils soutiennent.
À l’inverse, les avocats qui travaillaient aussi en tant que lobbyistes échappaient jusqu’à présent à toute réglementation. Ce ne sera bientôt plus le cas puisque la Commission veut que les règles s’appliquent à eux, sauf s’ils représentent leurs clients dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou de conseil juridique.
Si une organisation a fait une fausse déclaration ou n’a pas respecté le code de conduite, elle pourra être suspendue du registre (et perdre les avantages qui vont avec) pour une période allant de 15 jours à 2 ans.
Aujourd’hui, l’équivalent de 5,5 personnes à temps plein sont chargées de contrôler la véracité des déclarations de chaque lobby (noms des dirigeants, secteurs suivis, budgets, etc. ). Pour rendre l’outil plus crédible, la Commission veut renforcer les moyens qui lui sont alloués. Elle demande donc aux autres institutions de transférer des ressources à cette mission, sans pour autant chiffrer les besoins.
Prochaines étapes
Le texte proposé n’est pas une directive ni un règlement, mais un accord interinstitutionnel. En clair, il s’agit d’une sorte de « gentleman agreement » que concluent les trois institutions et qu’elles s’engagent à respecter.
Des négociations vont donc débuter pour trouver un compromis qui satisfasse tout le monde. L’élue française Sylvie Guillaume, vice-présidente du Parlement et qui s’exprimait au nom de l’hémicycle, a favorablement accueilli les propositions. Les députés en débattront publiquement en séance plénière le 5 octobre.